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pour ne pas les regarder toujours d’un œil d’envie. Elle n’envoie plus ses soldats, comme en 1848, mais elle écoute les mécontens, elle se glisse par l’issue qui lui est ouverte, et on n’ignore pas d’un autre côté que l’Autriche ne permettra jamais à la Prusse de s’approprier toute la responsabilité, tous les bénéfices d’une politique qui touche aux intérêts ou même aux préjugés nationaux de l’Allemagne. De là cette intervention commune. La Prusse et l’Autriche d’ailleurs sont encore mues dans cette affaire par la pensée de limiter l’expansion de l’esprit libéral.

Or c’est ici, on en conviendra, un étrange spectacle. Voici un petit peuple qui, depuis bien des années, montre une sagesse rare. Les réformes les plus considérables s’accomplissent dans l’ordre civil sans secousses et sans troubles. Le régime constitutionnel est né de l’accord spontané du roi et de la nation. Il y a eu plus d’une épreuve à subir dans les luttes diplomatiques survenues à la suite des événemens de 1848 ; les Danois se sont résignés, ils n’ont point fait un crime à leur souverain des concessions que celui-ci était obligé de faire. Ils se sont soumis à la constitution nouvelle, non pas qu’ils la trouvent absolument satisfaisante, mais parce qu’ils attendent toutes les améliorations de l’expérience et du temps, il semblerait que ce gouvernement et ce peuple dussent exciter une sympathie universelle, et cependant on s’applique à faire naître les difficultés sous leurs pas au nom d’un intérêt de caste et d’un intérêt étranger. L’Autriche et la Prusse, nous le disions, s’appropriant les griefs de la minorité aristocratique du Holstein, soutiennent diplomatiquement auprès du cabinet de Copenhague le droit des duchés à être consultés sur la constitution ; elles demandent également que la question des domaines soit laissée à la juridiction des états provinciaux, faute de quoi les cabinets de Vienne et de Berlin menacent de livrer l’affaire à la confédération germanique. Que fera le Danemark ? Il a cédé plus d’une fois jusqu’ici justement pour éviter cette perspective qu’on lui offre. Il pourrait consentir encore à quelque transaction sur la question des domaines, et il y semble disposé. Il lui serait plus difficile de subir les exigences des puissances allemandes au sujet de la constitution du 2 octobre 1855. Ce serait blesser les sentimens les plus intimes des habitans de l’archipel cimbrique, du Jutland et du Slesvig, c’est-à-dire des cinq sixièmes de la monarchie qui ont accepté la constitution sans avis, sans consultation préalable, et s’y sont soumis sérieusement. La paix avec l’Allemagne serait trop chèrement payée à ce prix. L’Autriche et la Prusse s’arrêteront dans cette voie sans doute, elles cesseront d’encourager une opposition factieuse, qui, laissée à elle-même, perdra son importance, et dans tous les cas l’Europe aurait bien quelque droit à intervenir dans les affaires du Danemark.

Les lettres sont plus qu’un frivole ornement pour une société ; elles sont en quelque sorte un des organes de la vie, et c’est ce qui fait que, dans les plus grandes diversions, on se rattache à elles, on les suit dans la marche des choses, dans les discussions qui s’élèvent, dans une séance d’académie aussi bien que dans les œuvres qui se succèdent et qui reflètent les tendances diverses de l’esprit contemporain. La netteté des situations, il nous semble, est surtout une des premières conditions pour les lettres. Pour notre part, nous n’avions point récemment d’autre objet que de mettre en lumière cette netteté des situations, de rendre plus palpable la vraie nature des rap-