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de Londres continuent à souffler la tempête, et au milieu de ces faits les hommes sages de tous les pays s’arrêtent, croyant certainement à toute sorte de dénoûmens pacifiques, sans méconnaître toutefois les germes dangereux qui ne cessent de fermenter en Europe. Ils voient se nouer, se dérouler et s’agiter toutes ces questions, dont quelques-unes au moins sont arrivées à un degré suffisant de gravité pour exiger une solution aussi prompte que décisive.

Au premier rang est surtout et toujours cette question de l’exécution définitive du traité de Paris. Tant que les puissances n’auront point trouvé un moyen de préciser d’un commun accord ce qu’elles ont voulu réellement stipuler, la paix générale sera un fait, elle ne sera pas un droit. C’est pour cela que la réunion d’une conférence était une des premières nécessités du jour. Le Moniteur, en annonçant que la conférence doit se réunir prochainement à Paris, a laissé suffisamment comprendre toutefois que la nécessité de cette mesure n’avait point été également admise dès l’abord par tous les gouvernemens, ce dont on ne pouvait douter au surplus. La nécessité a été reconnue, et c’est le point principal. On peut même dire qu’un certain accord s’est rétabli entre les gouvernemens, et que plus d’un nuage s’est dissipé. Lord Palmerston et lord Clarendon sont les premiers aujourd’hui, dit-on, à protester contre l’idée qu’on leur avait attribué de travailler à la chute du ministre des affaires étrangères de France, parce que celui-ci n’aurait point toujours partagé les vues du cabinet de Londres. L’Angleterre n’a nullement songé non plus, comme on s’est plu à le dire, à contester la présidence des délibérations diplomatiques à M. le comte Walewski, par cette raison bien simple que c’est le ministre des affaires étrangères qui reçoit à Paris les plénipotentiaires étrangers, et qui doit leur soumettre les questions à résoudre. Mais ici recommencent les conjectures sur les décisions futures de la conférence, sur l’opinion vraisemblable ou probable de chacune des puissances. Il est difficile, on le conçoit, de rien pressentir à ce sujet. Par une circonstance singulière cependant, c’est peut-être en ce moment la Sardaigne qui a dans la main le mot de l’énigme, la solution de tous les différends, en ce sens que son vote peut déterminer la majorité ; mais quelle est l’opinion du Piémont ? Le cabinet de Turin ne le sait point parfaitement encore peut-être. D’un autre côté, la Turquie est livrée à plus d’une perplexité. D’après le traité de Paris, le delta du Danube doit rester à la Moldavie. Or la possession directe du delta serait fort essentielle à la Turquie. Il serait donc possible que, pour obtenir quelque chose sur ce point, le cabinet ottoman fit quelque concession sur un autre point, et que de tout cela enfin il sortît une conciliation générale.

Quoi qu’il en soit, la question une fois déférée à la juridiction de la diplomatie, toutes les polémiques devaient nécessairement manquer d’objet ou s’agiter dans le vide, lorsqu’un mémorandum russe livré à la publicité est venu heureusement remettre les armes dans les mains des journaux anglais. Qu’a donc cette pièce diplomatique de particulièrement irritant ? Il en ressort un fait essentiel, c’est que la Russie a été la première, dès le 19 septembre, à provoquer une délibération collective des puissances, et qu’elle est prête encore à accepter la décision commune. Au fond, le mémorandum du cabinet de Pétersbourg ne diffère pas des documens de ce