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qui est d’une bonne tournure mélodique parfaitement adaptée au caractère du personnage qui reproche à son fils d’avoir oublié la maison paternelle. Le finale du second acte représente la grande scène du quatrième acte de la Dame aux Camélias, le bal donné chez Olympe, qui, dans l’opéra italien, se nomme Flora. M. Piave, l’auteur des paroles, a disposé ce tableau d’une manière très favorable au compositeur, à qui il a offert l’occasion d’écrire un morceau de maître, si M. Verdi avait eu la science et l’imagination qui lui manquent. Le finale commence par un chœur de femmes à deux parties. Ce sont des zingare ou bohémiennes qui s’introduisent dans le bal pour dire la bonne aventure. Elles sont armées chacune d’un tambour de basque sur lequel elles frappent aux temps forts de la mesure. À ce chœur, qui n’a rien de saillant, succède un chœur d’hommes, de matadors espagnols, qui viennent célébrer à l’unisson les prouesses de leur état. Ils accompagnent leur dire de coups de bâtons qu’ils ont à la main, et dont ils frappent la terre. Ainsi M. Verdi, qui s’est déjà servi dans il Trovatore de l’orgue, d’une cloche et des enclumes de forgerons, introduit dans la Traviata des effets de tambour de basque et des coups de pieux. Il lui reste encore bien des ressources de sonorité, telles que les coups de pistolet et la chaise brisée de M. Musard ! M. Verdi est homme à ne pas reculer devant de si belles innovations. Le chœur à trois-huit en mouvement de boléro que chantent ensuite ces mêmes matadors est mieux réussi, et produit un assez bon effet. Nous n’en dirons pas autant de la longue scène qui commence à l’apparition d’Alfredo dans le bal, et qui se prolonge jusqu’à l’arrivée du père. Ces dialogues interminables, l’épisode de la table de jeu et celui du portefeuille jeté aux pieds de la pauvre Violetta, sont complètement manqués, et l’oreille, avide de nourriture musicale, n’entend qu’un misérable bourdonnement en accords plaqués qui la fatigue sans profit pour l’émotion de l’âme. C’est que là il fallait de la musique pure, un discours soutenu confié à l’orchestre et servant à distraire l’oreille pendant que l’action dramatique déroule ses épisodes secondaires et prépare l’explosion de la péripétie suprême, un de ces discours soutenus comme il y en a dans le finale du Barbier, de la Gazza ladra, d’Otello, dans la Lucia, dans Norma, dans Zampa, le Pré aux Clercs, la Dame Blanche, le Domino Noir, etc. Le largo qui forme la dernière partie du finale de la Traviata a de la plénitude, surtout alors que le chœur vient appuyer les autres voix. Cet ensemble est supporté par un rhythme original que dessinent trois voix de basse groupées à l’unisson. Si cette péroraison avait été mieux préparée par les incidens qui l’amènent et l’expliquent, elle produirait un effet plus puissant.

Au troisième acte, nous avons remarqué le joli andante du duo pour soprano et ténor entre Violetta et Alfredo, qui sont réconciliés. Ce passage en la bémol rappelle fortement le duo du quatrième acte du Trovatore entre Azucena et Maurico. Le second épisode de l’andante que nous venons de citer est surtout charmant alors que Violetta dit en sanglotant :

De’ corsi affanni Compenso avrai.

Il y a sous cette phrase une harmonie distinguée, et particulièrement un