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l’affection, de l’estime qu’il avait depuis longtemps pour elle, et faible récompense du plaisir que lui avait donné sa conversation[1]. » On a beaucoup discuté sur tous ces motifs, et chacun, suivant son degré de bienveillance, a été plus ou moins hardi dans ses conjectures. Le professeur Brewster prétend que le mot amour {love) a changé depuis lors de signification. Je n’en crois rien et m’en tiens au sens actuel. On s’est aussi demandé ce que Halifax entendait par l’excellente conversation de miss Barton, et l’on a plaisanté sur ces entretiens, qu’il évaluait dans son testament à 1 50,000 fr. Quelques-uns des philosophes qui ont écrit sur Newton ont affirmé que sa nièce avait longtemps logé chez lord Halifax et passait pour n’être pas insensible. Cette assertion est récente et mal justifiée : les contemporains sont muets sur ce point et s’accordent a louer la beauté et la vertu de miss Barton ; c’est peut-être le mot vertu qui a changé de sens ? Tous ceux qui ont connu Newton et sa nièce les ont estimés et aimés ; mais si les femmes n’étaient jugées que par ceux qui les connaissent, il n’y aurait pas tant de mauvaises réputations. Malgré toutes les recherches, ce point restera sans doute mystérieux, et notre curiosité ne sera jamais satisfaite. Miss Barton a épousé en 1717 M. John Conduitt, qui, s’il a trouvé dans les papiers de Newton des lettres compromettantes, s’est sans doute peu soucié de les transmettre à la postérité. Il faut croire d’ailleurs que si les soupçons de Voltaire sont fondés, Newton ignorait la cause de sa nomination, et l’on ne peut songer à reprocher à Halifax un pareil choix. Pourquoi recourir à des raisons mystérieuses pour expliquer un fait aussi simple ? D’un autre côté, l’ignorance de Newton, que l’on fait valoir pour justifier sa nièce, n’est pas une preuve. Newton a bien pu ne pas discerner l’amour ; il n’a jamais passé pour très bien le connaître[2].

La place de gardien de la monnaie, puis celle de grand-maître, n’étaient pas des sinécures. La refonte était difficile et fut compliquée de questions de chimie et d’économie politique, deux sciences alors peu avancées. Des embarras d’un autre genre vinrent s’ajouter à ces difficultés. En 1697, M. Chaloner, chargé d’une mission du parlement, découvrit dans l’administration de la monnaie des infidélités nombreuses. Une commission fut nommée qui vérifia de grands désordres, et surtout une émission considérable de fausse monnaie.

  1. « Of the sincere love, affection and esteem I Lave long had for her person, and as a small recompense for the pleasure and happines I have had in her conversation. »
  2. Peut-être miss Catherine Barton avait-elle épousé secrètement lord Halifax, quoique rien ne démontre la nécessité du secret. Les curieux peuvent trouver des détails infinis sur cette grave question dans le chapitre XXI des Memoirs of sir Isaac, dans la Revue d’Edimbourg (avril 1856) et surtout dans un article approfondi du professeur Aug. De Morgan, publié en 1853 dans le numéro 210 des Notes and Queries.