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du Thesayirus thesaurorum sive medicina aurea, des Mystères du Microcosme, et autres livres du même intérêt. Il soupçonnait pourtant Boyle de ne pas avoir divulgué tous ses secrets, d’avoir donné sa poudre en cachant les vrais moyens de l’employer. C’était en effet un des caractères du temps de suspecter plutôt la bonne foi des alchimistes que leur habileté, et de croire à leur dissimulation plutôt qu’à leur ignorance. Il en était de même lorsqu’une autre science aussi mystérieuse et hypothétique que l’alchimie était à la mode : on accusait plutôt les phrénologistes de calcul ou d’erreur que la phrénologie d’impuissance.

Il semble qu’il devait suffire, il y a deux cents ans, de toucher une cornue pour faire une découverte, car tout était mystère dans la chimie. Newton pourtant, malgré une application continuelle, n’a rien trouvé d’important. Les notes qu’il a laissées, les fragmens qu’il a imprimés dans les Transactions philosophiques ne sont pas dignes de lui. Le plus important de tous est un travail publié en 1701 sur les températures, et intitulé Scala graduum caloris. Il l’expose les lois du refroidissement des corps solides, et énonce cette vérité, que tout corps entre en ébullition et en fusion à une température constante, ou en d’autres termes que la glace fond toujours à 0°, et que l’eau bout à 100° du thermomètre centigrade. Cette remarque est juste, et sans cette loi constante les instrumens calorimétriques ne pourraient être comparables entre eux ; mais la loi indiquée appartient plutôt à la physique qu’à la chimie. Il en est de même d’un autre traité sur les métaux, où les propriétés optiques de ces corps sont plus étudiées que leurs combinaisons. Enfin quelques autres opuscules contiennent des observations sur la constitution des corps, la nature des acides, les atomes, etc. ; mais ce sont des remarques vagues, et qui n’ont pas les caractères d’une grande découverte. Il est vrai qu’un accident détruisit le principal de ses ouvrages manuscrits sur la chimie. Un jour il avait laissé ses papiers sur la table de son laboratoire, d’où il s’était absenté pour quelques instans. Un petit chien qu’il aimait renversa une lumière, et le récit de ses expériences fut consumé avec le laboratoire tout entier. Tout le monde connaît cette histoire, et l’on cite toujours, comme un exemple de douceur et de tranquillité d’esprit à l’aspect d’un si grand désastre, Newton se contentant de dire : « Diamant, Diamant, tu ne sais pas, le tort que tu m’as fait ! » On sait moins généralement qu’à la suite de cet incendie, Newton est devenu fou, ou du moins a passé pour tel ; mais ceci veut une explication, car la controverse n’est pas terminée entre les biographes, et les deux savans hommes qui en France et en Angleterre se sont le plus occupés de lui, M. Biot et sir David Brewster, sont sur ce point en contradiction complète.