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le pressent de mourir pour échapper aux outrages et au supplice. Il essaie à plusieurs reprises de se donner la mort et ne peut s’y résoudre ; il pleure. Enfin, en entendant les cavaliers qui venaient le saisir, il cite un vers grec, fait un effort, et se tue avec le secours d’un affranchi.

On peut faire sur les pas de Néron une promenade qui commence au Grand-Cirque et se termine au lieu où a dû être la villa de Phaon : je l’appellerais la promenade vengeresse.

À Rome, on suit Néron au-delà de sa mort et jusqu’à son tombeau. Il ne se trouva que des femmes pour lui rendre les derniers devoirs, ses deux nourrices et sa concubine Acté. Elles enveloppèrent ses cendres d’une étoffe précieuse et allèrent les placer dans le tombeau de famille des Domitius. Du temps de Suétone, on le voyait encore du Champ-de-Mars s’élevant sur la Colline des Jardins, aujourd’hui le Pincio. On peut déterminer avec précision le lieu de la sépulture de Néron, car, en suivant les murs de Rome, on reconnaît parfaitement les arceaux des substructions de la villa des Domitius où se trouvait leur tombeau. La belle construction de ces arceaux et la disposition réticulaire qu’ils présentent ne permettent pas de les confondre avec les murs de Rome, bâtis beaucoup plus tard, et dont en ce lieu-là ils continuent l’enceinte. La villa des Domitius était à l’extrémité de la promenade actuelle du Pincio.

Où l’histoire s’arrête, la légende commence. Pour les hommes du moyen âge, Néron, exécrable tyran et premier persécuteur des chrétiens, se confondait avec l’antéchrist. Encore aujourd’hui sa mémoire demeure odieuse, et beaucoup de ruines dans l’état romain passent pour des débris de villes détruites par Néron. Au moyen âge, on croyait que son fantôme errait sur le Pincio, sur cette aimable colline qui est aujourd’hui le rendez-vous des promeneurs. Chaque jour, les bourgeois de Rome à pied, les élégantes en calèche, les Anglais à cheval, vont y jouir d’une vue admirable en écoutant la musique militaire, en respirant la fraîcheur du soir, sans penser qu’ils sont chez Néron. Ce fut, dit-on, pour conjurer son fantôme que l’on construisit tout près de la l’église de Sainte-Marie-du-Peuple. Voilà comment les souvenirs de l’antiquité se sont perpétués à Rome dans la tradition populaire.

Mais à Rome, outre l’antiquité selon l’histoire et l’antiquité selon la légende, Il y a encore l’antiquité selon les ciceroni, et celle-là ne ressemble point aux deux autres, surtout à la première. Comme il fallait montrer aux étrangers le tombeau de Néron, on a imaginé de donner ce nom à un monument funèbre placé sur la grand’route de Florence, à quelques milles de Rome : on l’avait mis la sur le chemin des voyageurs, ce qui était fort commode pour eux. Malheureusement