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du paganisme n’était pas religieuse, mais politique. J’admets la distinction, mais je ne saurais y voir une apologie des persécutions, car punir une secte inoffensive au nom de la politique me paraît aussi odieux que la frapper au nom de la religion. Brûler les chrétiens, comme le faisait Néron dans son cirque, parce qu’ils étaient nouveaux et dangereux, c’était faire exactement comme a fait depuis l’inquisition quand elle a brûlé les hérétiques, accusés aussi d’être nouveaux et dangereux.

Mais Néron ne brille pas seulement dans le cirque, comme Caligula ; ce qui lui est particulier, c’est la passion des succès de théâtre. Aussi est-il sans cesse occupé de ce lieu, qui est le champ de bataille où il rêve ses triomphes, et s’il reçoit l’hommage d’un roi d’Arménie, Tiridate, ce jour-là il dore le théâtre de Pompée. « Non-seulement la scène, mais tout l’intérieur de l’enceinte était doré, dit Dion Cassius… ; les voiles étendus dans l’air pour défendre du soleil étaient de pourpre. Au milieu, on avait brodé l’image de Néron conduisant un char et entouré d’astres d’or. » Quand, au temps de Pompée, le sénat gardait encore assez du vieil esprit romain pour ne pas vouloir permettre qu’un théâtre eût des gradins sur lesquels on pût s’asseoir, craignant que par là les citoyens ne fussent amollis, il ne pensait pas qu’un maître absolu y recevrait et y couronnerait un souverain étranger. Néron, du reste, inspira à ce roi d’Arménie, qui venait de recevoir de lui le diadème, un mépris qu’il ne put cacher quand il vit l’empereur romain chanter en s’accompagnant de la lyre, puis, vêtu d’une casaque verte et portant le casque des gladiateurs, conduire un char dans l’arène. Qu’eût-il dit s’il l’eût vu mon ter sur le théâtre pour y jouer l’accouchement de Canacé ? Il joua aussi Oreste meurtrier de sa mère. Il l’avait tant en lui du comédien et de l’auteur nourri des souvenirs classiques, que lorsque je le vois après la mort d’Agrippine se croire poursuivi par les furies, je ne puis m’empêcher de soupçonner dans cet appareil de terreurs une réminiscence de la poésie grecque, dont il avait la prétention de s’inspirer, et un souvenir de son rôle d’Oreste.

Le faste de Néron ne se montre nulle part avec plus de magnificence que dans le palais ou plutôt l’ensemble de palais qu’on appelle la Maison-Dorée.

Aujourd’hui, quand on suit le chemin qui a remplacé le grand cirque, on rencontre à sa gauche une petite porte au-dessus de laquelle sont écrits ces mots : Ingresso al palazso dei cesari, entrée du palais des césars. Une ficelle est suspendue à cette petite porte ; on sonne, la portière du palais des césars tire le cordon, on trouve un petit escalier, et l’on monte au premier. Une seconde porte vous est ouverte par une bonne femme qui a quitté ses poules et a posé