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succomba dans la lutte qui anéantit l’influence française dans l’Inde. Craignant que les jésuites français ne servissent d’actifs auxiliaires à la cause de leur pays, les autorités anglaises dénoncèrent l’imposture aux populations, qui, éclairées sur le véritable caractère des brahmes de Madura, revinrent immédiatement à leurs superstitions primitives. La réaction fut si complète, que le révérend père Dubois, dont le voyage remonte à la fin du XVIIIe siècle, affirme, dans un des plus remarquables ouvrages qui aient paru sur l’Inde, n’avoir pas rencontré en vingt-cinq ans un seul chrétien véritable. L’édifice élevé avec tant de ruse, de patience, même d’abnégation et de courage, disparut comme par enchantement, du jour où le mensonge qui lui servait de base eut été dévoilé. Les jésuites abandonnèrent en 1765 la mission de Madura, qui fut confiée désormais aux soins des missions étrangères de Paris.

Les travaux des jésuites de Madura ouvrent et ferment la liste des tentatives vraiment considérables faites par l’église catholique pour amener la conversion des natifs de l’Inde. Après eux, les événemens politiques livrent exclusivement ce vaste champ de propagande religieuse aux mains des missions évangéliques. Ce fut en 1705 que le premier missionnaire protestant, le docteur Ziegenbolg, partit pour la présidence de Madras, sous les auspices de Frédéric IV, roi du Danemark, dont les établissemens sur la côte de Coromandel avaient alors une importance considérable. Dans le Bengale, les travaux des sociétés bibliques ne remontent pas au-delà de la seconde moitié du XVIIIe siècle et du docteur Kiernander, qui fut envoyé à Calcutta en 1756 par la société formée en Angleterre pour la propagation des doc trines chrétiennes. L’instant était critique, et, tout entier aux travaux politiques qui donnèrent un empire à l’Angleterre, lord Clive ne s’occupa qu’en passant de la question accessoire de la conversion et de l’éducation des Hindous. Cependant son patronage demeura acquis aux travaux du docteur Kiernander, et ses libéralités pourvurent aux dépenses de premier établissement d’une école où le docteur enseigna aux Hindous de toute croyance les principes du christianisme et les élémens d’une éducation européenne.

Avant la mort du docteur Kiernander, la conquête des provinces du Bengale, Behar et Orissa, était un fait accompli ; la compagnie Anglaise des Indes avait gagné au jeu des négociations et des batailles un empire de plus de trente millions d’habitans. La question de l’éducation des masses indiennes restait néanmoins toujours aussi ardue. Ce fut Warren Hastings qui l’étudia le premier avec une attention sérieuse. L’on peut remarquer à priori que la solution imaginée par cet homme d’état éminent repose sur les données du caractère natif que la société de Jésus avait autrefois prises pour bases de sa