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perdre à M. Clay les deux grands états de New-York et de Pensylvanie, et pour assurer le triomphe du candidat démocratique. L’élection de M. Polk eut pour conséquence immédiate la ratification du traité d’annexion, et par suite la guerre avec le Mexique.

Les hommes du sud ne dissimulaient pas leur conviction, que cet guerre aurait pour résultat de détacher du Mexique quelques-uns de ses provinces : ces espérances imprudentes tournèrent au profit de la liberté. Dans tous les états du nord, l’opinion prit feu à l’idée que le sang américain allait être versé pour la cause de l’esclavage. Une république fille de la liberté grandie dans la paix, se jetait toi à coup dans une guerre de conquête, et répandait l’or et le sang pour assurer aux planteurs du sud un placement avantageux de leur marchandise humaine ! Était-ce là ce qu’avaient rêvé pour l’Amérique les glorieux fondateurs de son indépendance ? Washington et Franklin, Hamilton, Jay et Madison auraient-ils écrit ou combattu pour une pareille cause ? N’était-ce pas l’oubli de leurs conseils, le démenti de leurs espérances, l’abandon de leurs traditions ? Au sein du parti démocratique, beaucoup d’hommes sincères refusèrent de suivre plus loin leurs chefs dans la voie où ceux-ci s’étaient engagés. Il leur parut qu’on pouvait être dans les questions politiques l’allié du sud sans se faire l’instrument de ses convoitises et sans devenir un propagateur de l’esclavage. Que le sud, à ses risques et périls, conservât l’esclavage dans son sein, la constitution l’y autorisait ; mais il ne fallait point lui permettre d’employer les forces de la république à propager une institution que le nord regardait à bon droit comme anti-sociale et comme pleine de dangers pour l’avenir. Les abolitionistes avaient le tort de sortir de la constitution, et le congrès fédéral n’aurait pu déférer à leurs demandes sans commettre une véritable usurpation sur les droits des états ; mais on pouvait mettre un terme aux progrès de l’esclavage sans violer la constitution, sans toucher aux droits du sud. On vit donc, à côté des abolitionistes, et aux dépens des démocrates aussi bien que des whigs, se former un parti intermédiaire, composé de tous les hommes qui faisaient passer avant les engagemens politiques la nécessité d’arrêter le développement de l’esclavage. Ce parti, qui prit le nom d’'ami de la liberté (free-soiler), acquit en quelques mois un développement considérable, et obtint immédiatement assez de voix dans la chambre des représentans pour y déplacer à son gré la majorité. Répudiant tout commerce avec les abolitionistes purs, il protesta de son respect pour la constitution, de ses intentions de n’intervenir en rien dans les affaires intérieures du sud, mais en même temps il annonça la ferme résolution de ne point souffrir l’admission de nouveaux états à esclaves. La constitution