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souvenirs, le Christ chez Marthe et Marie, Madeleine dans le désert, et Madeleine répandant des parfums sur les pieds du Christ. Il n’a pas essayé d’engager la lutte avec les modèles, qu’il serait injuste de vouloir lui opposer. Prosaïque à outrance, il s’est attaché à montrer qu’il connaissait la forme du corps et le ton de la chair. Quant au caractère des personnages, il ne s’en est pas préoccupé. Un tel souci ne s’accordait pas avec la nature de son intelligence. Madeleine versant ses parfums vaut pourtant mieux que les deux autres compositions. L’auteur a compris et tâché de rendre l’ardeur de la pécheresse repentante.

Il ne faudrait pas juger M. Hippolyte Flandrin d’après la chapelle qu’il a peinte à Saint-Sévérin, car c’est, je crois, son coup d’essai dans ce genre de travail. Ses compositions de Saint-Germain-des-Prés sont très supérieures à celles dont nous avons à parler aujourd’hui. Cependant il y a beaucoup à louer, même dans son coup d’essai. Saint Jean dans la cuve, l’Apparition du Christ à saint Jean et à saint Pierre, la Cène, Saint Jean écrivant l’Apocalypse, sans pouvoir se ranger parmi les œuvres de premier ordre, suffiraient pour marquer la place de l’auteur parmi les hommes habiles de son temps. L’espace dont il pouvait disposer pour la Cène l’a forcé de représenter cet épisode évangélique d’une manière qui ne plaît pas à l’œil. Le regard, au lieu d’embrasser la table dans sa longueur et d’apercevoir ainsi tous les convives de face, l’embrasse dans sa largeur, et n’aperçoit les convives que de profil ou de trois quarts. Malgré le caractère ingrat de cet aspect, M. Flandrin a trouvé moyen d’exprimer le sujet qu’il avait accepté. Le Christ et le disciple bien-aimé sont très heureusement conçus. L’Apparition du Christ reproduit fidèlement la scène mystérieuse racontée dans l’Ancien-Testament. Saint Jean dans la cuve manque décidément de grandeur. Saint Jean écrivant l’Apocalypse est plutôt gracieux qu’inspiré. L’auteur n’a pas su s’élever jusqu’à la hauteur d’une telle donnée. Cependant, malgré ces réserves, l’élégance du dessin fait de cette chapelle un ensemble intéressant. Saint-Germain-des-Prés et Saint-Vincent-de-Paul ont prouvé que M. Flandrin pouvait mieux faire, mais ceux qui comprennent la valeur de son talent aimeront toujours à étudier sa première tentative dans la peinture murale.

En décorant la chapelle de Sainte-Geneviève, M. Alexandre Hesse s’est trouvé quelque peu dépaysé. La nécessité d’exécuter de grandes figures était pour lui un embarras facile à prévoir. Je reconnais avec plaisir qu’il a fait preuve de finesse et de simplicité. Sainte Geneviève distribuant des aumônes, la peste de Paris, la communion de mainte Geneviève, sainte Geneviève gardant ses troupeaux, exigeaient une grande souplesse de talent. Je ne crois pas que l’auteur ait