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que le Staffordshire et le pays de Galles. À lui seul, l’Aveyron produira un jour autant de fer ou de fonte que la France entière en a rendu jusqu’à présent, et ce jour à venir serait beaucoup rapproché, si l’on abaissait le tarif de manière à affranchir sous peu ces matières si utiles à toute l’industrie. Qu’il soit déclaré, par exemple, que dès à présent il n’y aura d’autres droits sur les fontes, les fers et les aciers, que ceux qui étaient en vigueur sous le premier empire, et que dans un délai de cinq ans la franchise sera complète : on verra aussitôt nos maîtres de forges, faisant servir à l’utilité publique une partie des énormes profits que le tarif leur a permis de réaliser, se concentrer dans les localités bien pourvues en houille et en minerai, ou agrandir les établissemens qu’ils y possèdent déjà, de manière à retrouver par une plus grande fabrication le même chiffre de bénéfices à peu près qu’ils obtiennent aujourd’hui.

Ce serait d’ailleurs une prétention mal fondée, de la part des filateurs et des maîtres de forges, que de se donner comme occupant dans le travail national la même importance que les industries dont les filés de coton, la fonte ou le fer sont les matières premières. Ces dernières en effet emploient un bien plus grand nombre d’ouvriers. Dans la fabrication des tulles, M. Edouard Mallet, un des hommes les plus versés dans cette matière, a constaté que, pour un ouvrier employé à la filature spéciale destinée à cette industrie, il y avait douze ouvriers tuiliers. M. Jean Dollfus a établi dans des publications assez récentes, et en s’appuyant du témoignage des prohibitionistes eux-mêmes, que l’industrie du coton occupait environ 600,000 ouvriers, sur lesquels la filature n’en pouvait réclamer que 60 à 70,000. Si l’on comparait de même le personnel qui se consacre à la production de la fonte et du gros fer aux innombrables professions dans lesquelles ces substances servent de matières premières, on tomberait sur une différence plus marquée encore. Il y a peut-être cinquante ouvriers qui mettent en œuvre le fer et la fonte contre un qui travaille à les produire à l’état brut. Au surplus, la libre entrée des fontes et des fers, de même que celle des filés de coton, ne ralentirait pas en France la fabrication de ces articles ; elle l’accélérerait. La filature du coton se développe plus rapidement dans le Zollverein et en Suisse, où les filés anglais ne sont frappés que de droits insignifians, qu’en France, où, jusqu’au n° 143, ils sont prohibés, et où, au-dessus de ce numéro, ils sont frappés de droits cinquante-trois fois plus forts. De même la production de la fonte et du fer chez nous est relativement stationnaire à cause de l’élévation des prix. En Angleterre, où les prix sont modérés, elle grandit à vue d’œil. Si l’on ouvre la porte aux fontes et aux fers anglais, il en entrera pour la consommation intérieure tout comme il entre