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sont mal fondés à prétendre qu’ils protègent l’industrie française contre l’industrie britannique. Ils sont au contraire bien positivement les protecteurs efficaces de l’industrie britannique contre la concurrence de l’industrie française. Ils empêchent le travail national de conquérir sur le marché général une partie du terrain qu’y occupent nos voisins d’outre-Manche. C’est une preuve à ajouter à toutes celles qui démontrent déjà qu’avec les systèmes exagérés et absolus, sur tout lorsqu’on s’y livre avec emportement et passion, on s’expose à produire tout juste l’effet contraire de ce qu’on s’était promis.

Les prohibitionistes répondent à cette proposition d’affranchir les matières premières, en y comprenant les fontes et fers et les filés de coton ; et en y joignant les machines et outils, que ce sera tout simplement sacrifier une industrie française à une autre, qu’on aura servi la cause des fabricans de tulle, de toiles peintes et d’autres articles en coton, mais qu’on aura tué la filature française, que d’une main on aura favorisé la construction des machines et outils, mais que de l’autre on lui aura nui, puisqu’on lui aura suscité à l’intérieur la concurrence anglaise ou belge, et que tout au moins on aura détruit les forges françaises. L’objection n’est pas fondée, elle ressemble à toutes les prédictions sinistres dont M. Mimerel et les autres chefs prohibitionistes n’ont jamais manqué d’accompagner chacune des mesures un peu décisives qui ont modifié le tarif.

Ainsi, pour la filature du coton, ceux de nos établissemens qui sont bien outillés, et la plupart le sont, produisent à très peu près aux mêmes conditions que les cotton mills de l’Angleterre, et lorsqu’ils ont un moteur hydraulique, ce qui est le cas pour un bon nombre, la similitude est complète. Si les constructeurs de métiers avaient eu le fer et la fonte aux prix de l’Angleterre, les filatures françaises se seraient montées à moindres frais, et la parité serait plus égale. Ce que je dis ici des filatures résulte des publications de M. Jean Dollfus, qui est filateur lui-même sur une grande échelle, et je ne sache personne dont on puisse mettre les assertions au-dessus de cet honorable témoignage. Notre filature exporte déjà de ses produits, notamment dans le Zollverein et en Suisse : sur ces deux marchés, elle affronte très bien la concurrence des Anglais ; pourquoi n’y résisterait-elle pas aussi bien à l’intérieur de la France ? A l’égard des machines et ouvrages en fer et en fonte, nos constructeurs ne craindraient point l’Angleterre du moment que les charbons, les fers et les fontes entreraient en franchise de droits : plusieurs des plus notables l’ont déclaré. Reste donc la question des fontes et des fers bruts.

Or la France possède, on le sait bien, des gîtes carbonifères et métalliques qui présentent à peu près des conditions aussi favorables