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tagne pour les amateurs qui ne rêvent rien au-delà de l’imitation, tantôt, pour avoir placé quelques bergers dans une vallée célébrée par Virgile ou par Théocrite, ils s’imaginent un beau matin qu’ils savent peindre la figure, et Dieu sait ce que nous vaut leur présomption ! Les personnages qu’ils essaient de grouper tiennent de l’orme ou du chêne autant que de l’homme. Pour cheminer d’un pas sûr dans cette voie nouvelle, il leur faudrait entreprendre des études difficiles, et l’âge de l’apprentissage est passé depuis longtemps. Découragés, déclassés, ils copient médiocrement la Bretagne et la Normandie, ou construisent des figures qui ne pourraient ni marcher ni se tenir debout. Si la ville de Paris, au lieu de limiter ses encouragemens à la peinture d’histoire proprement dite, commandait tous les ans pour la décoration de nos églises quelques paysages historiques, les lauréats dont je décris la condition trouveraient à montrer ce qu’ils savent, et la pratique assidue de leur profession leur révélerait ce que leurs maîtres n’ont pu leur enseigner.

Ces commandes seraient contraires, objectera-t-on peut-être, à toutes les traditions administratives. On oublie que l’important n’est pas de savoir si la ville de Paris a toujours mis la peinture d’histoire au-dessus du paysage historique, mais si elle n’agirait pas plus sagement en réunissant les deux genres dans la décoration de nos églises. Les compositions du Guaspre à San-Martino ont depuis longtemps prouvé que le paysage historique n’est pas un genre secondaire, quoi que puissent dire les partisans exclusifs de la peinture d’histoire, et ce n’est pas la seule preuve qui se présente. Les paysages historiques de Dominiquin à la villa Aldobrandini, à la villa Ludovisi, n’ont pas moins d’importance et de charme que les compositions du Guaspre, et se recommandent par une rare élégance. Je suis donc conduit à penser que le paysage historique serait très bien placé dans nos églises. Je n’ai pas besoin de rappeler les grandes compositions de Nicolas Poussin dans ce genre austère et difficile. La galerie du Louvre démontre clairement la grandeur et l’originalité de ce maître dans les scènes où l’aspect de la nature ne joue pas un rôle moindre que la physionomie des personnages, et dans le temps présent, sans chercher à imiter Nicolas Poussin, Decamps a traité les paysages bibliques avec une vigueur qui rappelle les meilleurs temps de la peinture.

J’insiste d’autant plus volontiers sur la nécessité d’encourager par des commandes fréquentes ce genre trop dédaigné dans les traditions administratives, qu’on épargnerait ainsi aux paroisses le soin de chercher dans la vie des saints des sujets qui n’offrent le plus souvent au pinceau que des ressources très douteuses. Les scènes de la Genèse, de l’Exode et de l’Évangile sont familières à toutes les mé-,