Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/580

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

impôt, pour les particuliers. Les empereurs ne demandaient de temps à autre que la porcelaine blanche nécessaire à leur usage. La faiblesse humaine ne se dément dans aucun pays ; peut-être, par une réaction naturelle, voyaient-ils d’un œil froid l’art qu’avaient protégé leurs prédécesseurs. On cite toutefois sous leur règne un artisan déjà nommé, P’ong, dont le mérite consistait à imiter certains vases anciens et devenus rares.

Les Ming montèrent sur le trône en 1368. Aussitôt la porcelaine fut remise en honneur : les beautés préparées depuis tant de siècles éclatèrent ; c’est l’âge de la perfection, j’entends cette perfection relative qui ne peut être en Chine que le raffinement. Les pièces de cette période, qui s’étend jusqu’à la fin du XVIIe siècle et coïncide avec notre renaissance, sont prisées sans mesure par les antiquaires chinois. De même qu’on reconnaît les vases fabriqués sous les Song par des marques peintes sous leur pied, — feuille d’acore, fleur de sésame, poissons, clou en saillie, — de même, sous la dynastie des Ming, des marques auxquelles correspondent des dates précises sont peintes au centre des vases : deux lions poussant une boule (1403-1424), deux canards, symbole de l’amour conjugal (1403-1424), un dragon et un phénix extrêmement petits (1426-1435), une poule et ses poussins (1465-1487), une branche d’arbre à thé (1522-1566), des feuilles de bambou (1573-1619). Les savans chinois citent d’autres marques de fabrique sans en fixer la date : des jeunes gens jouant à la balançoire avec des jeunes filles, un lettré devant des nymphéas, un poète devant un chrysanthème. Je pourrais transcrire leurs noms, mais ceux qui essaieraient de les prononcer m’en sauraient peu de gré.

Il est naturel de voir quelquefois sur les vases un reflet des mœurs du temps : l’industrie suit les lois de la mode, auxquelles l’art lui-même se dérobe rarement. Or qui peut dire quelles causes futiles régissent la mode et égarent un peuple entier ? De l’an 1567 à l’an 1572 vécut un empereur fort épris du plaisir. Mon-tsong n’aimait pas seulement le plaisir, il en recherchait les images. Par son ordre, un grand nombre de porcelaines furent couvertes de peintures licencieuses. La contagion fut rapide : pendant plus d’un demi-siècle, jusqu’en 1619, la Chine fut remplie de ces honteux produits. Les bons Chinois avaient trouvé pour les désigner une expression digne de la pudeur anglaise, ils les appelaient peintures du printemps ; mais les fabricans ne se plaignirent jamais qu’on en achetât moins dans les autres saisons, ce qui met le printemps hors de cause.

Quelque délicat que soit ce sujet, j’en veux cependant dire un mot qui ne fera rougir personne, car l’artiste, aussi bien que le médecin, peut toucher à tout d’un doigt chaste. Nous avons en Europe des peintures