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En outre, M. Medhurst, interprète du gouvernement anglais à Hong-kong, a reconnu que ces inscriptions étaient des vers extraits de poètes célèbres. « Les fleurs s’ouvrent, et voici une nouvelle année, » dit un vase ; « la lune radieuse brille au milieu des pins, » dit un autre. Or les poètes auxquels ces citations sont empruntées vivaient au VIIIe siècle de notre ère, Enfin on peut acheter aujourd’hui dans les magasins chinois des bouteilles exactement semblables : le commerce de la Mer-Rouge les apporte au Caire. M. Mariette, à qui nous devons les fouilles autour du grand sphinx et la découverte du Sérapéum, m’a assuré que les Égyptiens y mettaient de l’antimoine pour peindre les yeux. On devine que les indigènes, pleins de complaisance pour la passion des Européens, garnissent parfois les tombeaux qu’ils veulent leur faire découvrir avec plus de zèle que de discernement. Voyez la révolution que quelques Bédouins ont failli causer dans l’histoire de l’art !

Pendant de longs siècles, le développement de l’art céramique fut assez lent. Les fabriques, qui couvrirent plus tard tant de provinces, étaient peu nombreuses. Attachés aux routines professionnelles, les potiers ne cherchaient que la qualité de la pâte et les teintes les plus heureuses. On ne savait point appliquer des couleurs variées ; le critérium suprême de ces tons uniformes était leur harmonie avec la couleur du thé. Dans la porcelaine jaune, le thé paraissait trop brun, dans la porcelaine brune, trop noir ; on le trouvait appétissant dans la porcelaine bleue, qui lui donnait un reflet vert. Aussi les empereurs se réservaient-ils exclusivement l’usage des pâtes les plus belles. Telle qualité s’appelait porcelaine de couleur cachée, uniquement parce qu’il était interdit aux particuliers de s’en servir. Au Xe siècle, un empereur, quelques jours après son avènement au trône, fut respectueusement prié d’indiquer le modèle des vases destinés à son service. Il écrivit sur le placet : « Qu’à l’avenir on donne aux porcelaines la teinte azurée du ciel après la pluie, tel qu’il apparaît dans les intervalles des nuages ! » Les artisans, inspirés par une réponse aussi poétique, créèrent en effet une pâte qui demeura célèbre : « elle était bleue comme le ciel, brillante comme un miroir, mince comme du papier, sonore comme un instrument de musique, d’un lustre et d’une finesse charmante. » — Parfois une légère craquelure en rehaussait le mérite. « Seulement, ajoute l’auteur chinois, la plupart des vases gardaient au pied la terre grossière qui leur avait servi de support pendant la cuisson. » La beauté de cette porcelaine désespéra les imitateurs : on l’appela toujours le bleu de ciel après la pluie, et lorsqu’après l’an 1368 on eut cessé d’en fabriquer, les amateurs en recherchaient les moindres fragmens pour orner leur bonnet ou leur chapelet. Aujourd’hui les Chinois répètent, avec l’exagération qui leur est familière, que ces tessons éblouissent les yeux comme