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Le premier de ces systèmes est celui des ondulations, le second celui de l’émanation.

À l’hypothèse de Descartes, Newton et ses disciples avaient des objections. D’abord la lumière vient du soleil à la terre en six minutes et demie, donc sa vitesse n’est pas infinie. Si la lumière était un fluide toujours répandu dans l’air, nous verrions clair la nuit, car un corps opaque ne suffirait pas à arrêter la propagation en tous sens du mouvement vibratoire ; de même un rayon entrant dans une chambre devrait l’illuminer tout entière et exciter des mouvemens lumineux dans toutes ses parties. Il y a aussi une certaine difficulté à expliquer la propagation en ligne droite. Enfin cette atmosphère remplirait les espaces célestes, et les mouvemens des planètes seraient altérés. Par toutes ces raisons et peut-être aussi pour mettre une théorie d’accord avec ses expériences, Newton combattit l’hypothèse de Descartes et la remplaça par une autre moins heureuse. On admet généralement qu’il a soutenu l’émission, mais dans deux opuscules publiés, je crois, pour la première fois par M. Brewster, il a exposé une théorie qui tient le milieu entre celles que je viens d’indiquer. Pour lui, le soleil émet à chaque instant des parcelles qui se dirigent dans tous les sens avec une vitesse excessive, mais ces parcelles ne frappent pas les yeux : elles mettent en mouvement un milieu plus rare, plus élastique et plus subtil que l’air, et c’est ce milieu dont les agitations produisent sur nos sens l’impression de la lumière.

Cette théorie a, ce me semble, tous les inconvéniens de l’émission, et surtout ceux de l’émanation, dont elle se rapproche davantage. Que deviennent ces milliards de corpuscules lancés à tout instant par la surface entière du soleil ? Comment la masse, quelle qu’elle soit, des corps lumineux ne diminue-t-elle pas rapidement ? Quels chocs ne doivent pas produire toutes ces particules, tous ces rayons solides, en se heurtant de toutes les façons ? Ne doivent-ils pas être sans cesse déviés ? Et pourtant nous voyons les objets lumineux là où ils sont. De combien de trous, de pores, de canaux en ligne droite ne seraient pas percés le verre et toutes les substances transparentes, pour que ces petits corps, si agités, si rapides, pussent les traverser sans les briser ? Que deviendraient ces agens lumineux depuis tant d’années que la lumière existe ? Ne rempliraient-ils pas aussi le ciel, et ne s’opposeraient-ils pas au mouvement régulier des astres ? Pour toutes ces raisons, la théorie de Newton a été abandonnée et rem placée par la théorie de Descartes et de Hooke, débarrassée des cubes, des élémens et des tourbillons. Une substance infiniment subtile et élastique remplit le monde entier et pénètre les corps les plus durs, c’est l’éther, et la lumière consiste dans un ébranlement imprimé à cette atmosphère, dont la ténuité est telle qu’elle ne peut