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Au fond, le pays ne veut ni des excès de la révolution ni des abus et des perturbations d’un autre genre qui ont conduit à la crise de 1854. Si la souveraine de l’Espagne a pu s’y méprendre et se laisser aller parfois au plaisir de se sentir reine, c’est-à-dire de jouer avec le feu, elle ne peut plus s’y tromper désormais. C’est dans le régime constitutionnel qu’est sa sécurité, c’est par lui qu’elle peut vaincre sans efforts les petites intrigues qui se sont agitées récemment non loin d’elle, et qui ne tendaient à rien moins qu’à la dépouiller de la couronne au moyen d’un mariage entre la princesse des Asturies, qui a cinq ans à peine, et un fils de l’infant don Juan, frère du comte de Montemolin. Toutes les fois qu’on aura l’air d’incliner vers l’absolutisme à Madrid, ces projets ou d’autres du même genre renaîtront inévitablement ; dès qu’on se rapprochera du système constitutionnel, ils disparaîtront au grand jour. L’intérêt de l’Espagne et l’intérêt de la reine elle-même exigent donc également que la vie constitutionnelle reprenne son cours, et se substitue à ces petites combinaisons qui se croisent dans l’ombre, n’ayant d’autre effet que d’affaiblir tous les pouvoirs, de propager l’incertitude et de décourager le pays. Quant au parti conservateur espagnol, il doit songer qu’il donne aujourd’hui la mesure de sa virilité et de sa consistance. Qu’on remarque bien que rien n’est fait encore à Madrid, que tout est en suspens, c’est-à-dire que rien n’est définitif, et c’est en face de cette situation, lorsqu’une faveur de la fortune lui jette le pouvoir entre les mains, que le parti modéré se présente morcelé, subdivisé en mille nuances ! Deux choses sont essentielles au-delà des Pyrénées : la première, c’est que le pouvoir ministériel sorte des conditions précaires où il est encore aujourd’hui, qu’il se recompose si cela est nécessaire, qu’il réunisse les hommes les plus capables, les plus intelligens, ou qu’il puisse du moins compter sur leur appui ; la seconde, c’est que les cortès soient prochainement convoquées. Jusque-là, la crise politique continuera en Espagne, et l’existence du pays sera à la merci d’un incident imprévu.

Ch. de Mazade.


POÉSIES
TRADUITES DE HENRI HEINE.


Le Livre des Chants est une des œuvres de Henri Heine que la France connaît le moins. Dans les traductions qu’on va lire, on s’est essayé à reproduire quelques-uns des plus gracieux motifs de ce premier recueil du poète. Cette tentative nous a paru se recommander par un sentiment vrai des qualités de l’original allemand. On ne s’étonnera point de voir quelques chants de jeunesse d’Henri Heine publiés dans un recueil à qui l’auteur d’Atta Troll a tant de fois communiqué les œuvres de sa maturité.