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blir dans l’action des gouvernemens une solidarité qui eût empêché les difficultés actuelles de naître, si elle eût toujours existé complètement. Les symptômes de ce travail sont partout, principalement dans les manifestations les plus récentes des gouvernemens, et ces symptômes sont autant de garanties de la durée de la paix.

Parmi les nuages qui passent sur l’Europe, au milieu de toutes ces affaires qui se déroulent, changent souvent d’aspect et laissent leur trace dans la politique générale, ne faut-il pas compter ces difficultés qui se rattachent incessamment à l’existence de Neuchâtel ? C’est un débat qui attend depuis longtemps une solution ; il est un exemple de plus des contradictions qui peuvent éclater parfois entre le droit public ancien et les faits nouveaux. On connaît cette histoire d’un petit pays qui se trouve être à la fois une principauté prussienne et un canton helvétique. Ce sont les traités de 1813 qui consacraient les droits de souveraineté du roi de Prusse ; une révolution en 1848 détruisait l’œuvre du congrès de Vienne, et brisait le dernier lien entre Neuchâtel et la Prusse, en rattachant définitivement et exclusivement la principauté à la confédération helvétique. Depuis cette époque, le gouvernement prussien n’a cessé de protester, et la Suisse n’a cessé de repousser les protestations venues de Potsdam. Les faits ont suivi leur cours, tandis que le cabinet de Berlin avait le soin de placer ses titres de souveraineté sous la sauvegarde diplomatique des cinq grandes puissances, qui ne pouvaient s’empêcher de reconnaître les droits de la Prusse dans un protocole signé à Londres en 1832. Tel était encore l’état des choses, lorsque la dernière échauffourée tentée par le parti royaliste à Neuchâtel est venue faire revivre la question et lui donner une certaine importance. La Prusse a protesté de nouveau contre les changemens opérés dans la constitution de Neuchâtel, et le gouvernement de la confédération helvétique a refusé une fois de plus d’admettre ces protestations ; mais le cabinet de Berlin ne s’est point arrêté là : il s’est adressé de nouveau aux grandes puissances, comme il l’avait fait déjà en 1852, et en même temps il a soumis la question à la diète de Francfort. La diète a répondu en reconnaissant d’abord les droits du roi de Prusse et en adhérant à la proposition d’une démarche diplomatique auprès du gouvernement suisse, pour obtenir la mise en liberté des insurgés royalistes qui sont sous le coup d’une instruction judiciaire. C’est là d’ailleurs une démarche dans laquelle la Prusse semble devoir être appuyée par les autres cabinets, et elle devra avoir d’autant plus de poids auprès de la confédération. Qu’on le remarque bien, ce n’est point précisément un acte de clémence, une grâce, qu’on réclame de la Suisse ; c’est en quelque sorte un préliminaire nécessaire de toute négociation. Or la Suisse, qui a déjà protesté contre la nécessité d’un accord quelconque avec la Prusse au sujet de Neuchâtel, admettra-t-elle une proposition qui semblerait reconnaître jusqu’à un certain point les droits revendiqués par le cabinet de Berlin ? D’un autre côté, la Prusse elle-même, en reprenant en main cette affaire, veut-elle en venir réellement et simplement à une transaction honorable ? C’est là évidemment une de ces questions compliquées qui ne peuvent se résoudre que dans un sentiment mutuel d’équité et de conciliation. En définitive, au point de vue international, Neuchâtel conserve toujours le double