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par un détour un peu long, ramenés à la littérature française. Les premières pages du cours familier traitaient de l’origine des langues, et si l’auteur n’a pas jeté un jour nouveau sur cette question difficile, il faut avouer du moins qu’il en a parlé avec une hardiesse héroïque. Il tranche toutes les difficultés par la révélation, et sur ce terrain la philologie ne peut engager la discussion. Aujourd’hui nous sommes bien loin de l’origine des langues, bien loin de l’épopée indienne; nous sommes en France, au milieu des hommes que nous avons connus et dont le nom retentissait à nos oreilles quand nous étions encore assis sur les bancs du collège. Il nous est donc permis de contrôler les jugemens que prononce M. de Lamartine. Il n’y a ni témérité ni présomption à discuter ce qu’il affirme, à combattre les croyances qu’il professe. Pour le suivre sur ce terrain qui nous est familier, l’érudition et la sagacité de Court de Gébelin ne sont pas de première nécessité : c’est la bonne foi qui doit jouer le premier rôle; mais au moment de parler, je me trouve arrêté par une difficulté singulière, par un obstacle inattendu. Comment discuter l’enseignement littéraire de M. de Lamartine? L’enseignement lui paraît sans doute chose trop futile pour occuper ses loisirs. Le cours familier qu’il nous a promis est une suite d’extraits entremêlés de récits très nombreux. Je n’ai rien à dire des extraits, qui sont en général choisis avec discernement, mais dont le choix ne demande pas de grands efforts d’intelligence. Quant aux récits, dont quelques-uns ne manquent pas de charme, nous pouvons tout au plus les accepter comme une distraction. Avec la meilleure volonté du monde, le plus habile ne réussirait pas à y découvrir une leçon. M. de Lamartine ne possède pas l’esprit didactique; loin de moi la pensée de lui en faire un reproche. Son plus grand bonheur, si je dois me prononcer d’après son cours familier, est de raconter non pas les événemens publics, mais sa vie personnelle. Les moindres épisodes de son enfance ou de sa jeunesse ont à ses yeux une immense importance. Il n’y a pas dans ses souvenirs une journée indifférente. Tout ce qu’il a pensé, tout ce qu’il a dit, tout ce qu’il a rêvé, tout ce qu’il a vu prend sous sa plume les proportions d’un événement. Il reprend dans son cours familier son auto-biographie. Nous avons lu avec plaisir ses Confidences, surtout les premières, et nous trouvons qu’il en atténue l’effet en les prolongeant.

Nous ne tenons pas à savoir pourquoi M. de Lamartine parle de Chateaubriand avec une admiration embarrassée, et parfois même avec amertume; mais nous avions le droit d’attendre un jugement sur un écrivain qui tient une si grande place dans l’histoire littéraire de notre temps, et au lieu d’un jugement M. de Lamartine nous offre un récit dont la puérilité se joue de toute vraisemblance. Le