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LE POÈTE


HISTORIEN LITTERAIRE




M. de Lamartine définit quelque part la critique d’une manière assez peu bienveillante, et pourtant, si j’ai bonne mémoire, il n’a pas trop à s’en plaindre. Depuis trente-six ans, il a toujours été choyé par la critique. Les Méditations, les Harmonies, Jocelyn, n’ont recueilli que des éloges, et c’était justice. Si la Chute d’un Ange et le Voyage en Orient n’ont pas rencontré la même sympathie, ce n’est pas la faute de la critique, mais la faute du poète, et le poète ne devrait pas l’oublier. Si l’Histoire des Girondins, l’Histoire de la Restauration, l’Histoire de l’Empire ottoman, l’Histoire de la Russie, n’ont pas été acceptées comme des prodiges d’érudition, M. de Lamartine doit savoir pourquoi. L’opinion publique s’est prononcée spontanément, et la critique n’a pas eu besoin d’intervenir. M. de Lamartine apprend et enseigne en quelques mois ce qui demanderait aux esprits les plus pénétrans plusieurs années d’études; ce que MM. de Hammer et Schnitzler ont amassé péniblement, il prétend l’acquérir sans peine, et il s’étonnerait de l’indifférence des lecteurs ! Chacun sait qu’il ne sait pas, qu’il n’a pas eu le temps d’apprendre, et il trouve de mauvais goût qu’on dédaigne ses livres d’histoire comme des romans destinés à distraire les oisifs ! Enfant gâté du public et de la presse, il se fâche contre ceux qui l’ont toujours traité avec une extrême indulgence. En vérité, c’est de l’ingratitude. Il a peut-être oublié maintenant les termes dont il s’est servi pour définir la critique; mais ceux qui ont voué leur vie à l’analyse des œuvres de l’intelligence ne peuvent les oublier, Il y a dans cette