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nées que l’insalubrité de Pola ne survivra pas à son dépeuplement.

L’arsenal se développera à l’ouest et à la suite de la ville, sur une surface plane ménagée dans la coupure des coteaux adjacens et sur les remblais formés avec leurs débris. Les quais auront plus d’un kilomètre de longueur; les magasins d’agrès, de munitions navales, les parcs d’artillerie seront, comme dans les ports de Hollande, échelonnés le long du bord dans un ordre correspondant à celui des opérations de l’armement et du désarmement des navires. En se halant le long des quais, le vaisseau recevra successivement sa mâture, son gréement, son artillerie, ses vivres, et au retour il les déposera, en marchant en sens inverse, dans les mêmes magasins. Les frégates et les transports qui servent sur rade de casernes aux troupes, les nombreux terrassiers barraqués sur les travaux, les ouvriers d’artillerie et du génie établis partout où s’est trouvé un abri, répandent une singulière animation sur ces bords naguère déserts, et en promenant ses regards sur le bassin et sur les friches silencieuses dont il est entouré, on embrasse du même coup d’œil le passé et l’avenir de Pola. Déjà des bureaux sont installés, un hôpital provisoire et des chantiers de réparation sont ouverts, une enceinte est préparée pour l’arsenal, de très-belles casernes s’achèvent, un approvisionnement d’agrès et de projectiles est réuni, et si l’on ne prévoit pas l’époque où les élémens encore épars à Trieste et à Venise seront coordonnés à Pola, les embarras financiers d’une paix armée presque aussi dispendieuse qu’une guerre ouverte suffisent pour l’expliquer.

Les habitudes de circonspection du gouvernement autrichien ont déterminé l’ordre de priorité qui règne dans les opérations de la fondation du port de Pola. Celles qui se rapportent de près ou de loin aux constructions navales n’y prennent rang qu’après les travaux de défense dirigés par le génie militaire, et l’on prétend ne confier le matériel naval qu’à des murailles assez fortes pour en répondre. Le système de défense comprendra d’abord la fortification et l’armement des deux îles qui s’élèvent dans le havre : l’une, croisant ses feux avec ceux des batteries latérales qui borderont le goulet, en rendra l’entrée excessivement périlleuse, si ce n’est impossible, pour un ennemi; l’autre rasera toute la surface de la rade avec ses boulets. On entend en outre rejeter la ligne des feux de l’assiégeant par terre assez loin pour que le havre entier soit en dehors de leur portée. On établit à cet effet, sur l’arête du versant des eaux du bassin, un cordon de tours maximiliennes reliées entre elles par d’épaisses courtines, de sorte qu’indépendamment de la longue distance qui séparera cette enceinte des parties vulnérables de l’arsenal, le bassin lui-même ne sera pas vu du dehors. Plusieurs tours sont