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nitien, la bannière de l’Autriche, et quand les yeux se seraient levés de la mer sur la terre, la pensée se serait reportée vers Athènes et le Parthénon.

Employés aux travaux et à la garde du nouvel arsenal, les marins et les soldats qui encombrent actuellement le vieux Pola n’y sont que des hôtes passagers; son enceinte est destinée par la force des choses à la résidence de la population civile, dont la contiguïté est indispensable à l’existence de tout établissement militaire. En outre des exigences communes, un arsenal maritime a les besoins d’un atelier et d’un entrepôt, et le commerce libre est seul en état de pourvoir à son approvisionnement complet. C’est en raison de ces nécessités que de nombreuses industries privées se groupent, pour concourir au service de l’état, dans les ports de guerre d’Angleterre et de France, et que l’adjonction d’un port de commerce en est partout le complément le plus nécessaire. La place du port de commerce est toute trouvée à Pola, et la construction d’un quai le long de la vieille ville est tout ce qu’exige l’installation de l’établissement commercial. En arrière de l’arsenal et du champ des manœuvres des bâtimens de guerre, voisin des terres sur lesquelles s’étendra désormais la culture, il prospérera sous le commandement de l’acropole, et la tour carrée, imitée de celle de la place Saint-Marc, que les Vénitiens ont élevée en face de la basilique moderne sous le prétexte dérisoire de convoquer les assemblées populaires, ne sera pas plus dangereuse sous la monarchie absolue qu’elle ne l’a été sous le despotisme républicain.

Le seul ennemi sérieux qu’ait à vaincre l’établissement militaire autrichien est l’insalubrité proverbiale du séjour de Pola. Les fièvres d’automne y sont endémiques, et, quoique rarement mortelles, elles affectent gravement l’énergie et la capacité de travail de la population. On n’a point oublié qu’en 1378, au plus fort de la guerre contre les Génois, trente galères vénitiennes vinrent hiverner à Pola, et que les équipages furent tellement réduits par les maladies, qu’à la rentrée en campagne il ne restait d’hommes valides que pour l’armement de six galères. Le fait est si bien accepté, qu’on n’a jamais examiné si ce désastre n’aurait point tenu à des causes passagères ou étrangères à la localité. Combien n’avons-nous pas, dans les guerres de nos jours, d’exemples d’armées apportant avec elles le typhus dans les campemens les plus salubres ! D’après des observations recueillies sur les lieux, l’épidémie de Pola est pendant cinq années en état de croissance et pendant les cinq années suivantes en état de décroissance, et dans la dernière de ses décades climatériques, l’année 1854 a été celle du minimum d’insalubrité. Une périodicité si fâcheuse serait pour un lieu de rassemblement de troupes et de départ d’ex-