Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/375

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’est-il trouvé que ses précautions n’étaient pas suffisantes. La censure a fait du ministre un gouverneur, du député un conseiller aulique; elle a exigé que la phraséologie constitutionnelle fût remplacée par les termes en usage sous le régime absolu. Elle eût pu sans danger se montrer moins chatouilleuse. M. Vollo, lui, a fait preuve de sens en ne marchandant pas les concessions, sauf, quand il imprimerait sa pièce, à rétablir le texte dans son intégrité. En homme d’esprit, il avait compris que ce qui déplaisait à Turin ferait le succès de l’ouvrage dans les autres états de l’Italie.

Voici d’ailleurs une scène assez vivement traitée qui fera connaître la manière de M. Vollo, Wolfang s’est aperçu que le député baron de Rossembourg, qui donne au journal la haute impulsion politique, le pousse dans les eaux du ministère, quoiqu’il eût été convenu qu’on ferait une opposition modérée, mais ferme. Wolfang est de si mauvaise humeur, qu’il renvoie brutalement Emma, sa femme bien-aimée, pour rester seul avec le baron.


« LE BARON, regardant les deux époux avec son lorgnon. — Ah ! ah ! des scènes conjugales, des scènes intimes ! Je connais cela depuis longtemps. Venons à nos affaires. J’espère que ce terrible accès de mauvaise humeur ne retombera pas sur moi ?

« WOLFANG. — Ma mauvaise humeur, c’est précisément vous qui l’avez causée !

« LE BARON. — Ah bah!

« WOLFANG. — Elle est née dans l’antichambre du ministre, et l’impatience d’attendre l’a encore assombrie.

« LE BARON. — Expliquez-vous promptement, car votre femme a raison, il est l’heure d’aller diner.

« WOLFANG. — Deux mots seulement. Répondez. Me suis-je engagé avec vous à écrire une feuille ministérielle ?

« LE BARON. — Ta, ta, ta! De quoi avez-vous à vous plaindre?

« WOLFANG. — Je me plains de ce que mes articles subissent une mystérieuse censure, et paraissent mutilés, remaniés, méconnaissables.

« LE BARON. — Une bagatelle! une misère! Mutilés! remaniés! méconnaissables! Nous protesterons contre le typographe. Vous avez raison, un million de fois raison.

« WOLFANG. — Eh! non, monsieur...

« LE BARON. — Comment! auriez-vous tort ?

« WOLFANG. — Je dis qu’il ne s’agit pas de fautes d’impression, mais de modifications opérées par une main mystérieuse dans mes articles.

« LE BARON. — Ah! ah! je comprends maintenant. Il se pourrait... Des niaiseries, des misères, des choses de rien... Je comprends la susceptibilité de l’auteur; mais, je le répète, niaiseries, misères, choses de rien, quelques phrases qu’on mutile, quelques coupures par manque d’espace, quelques variantes de forme, toutes choses auxquelles un rédacteur doit se résigner pour que le journal ait de l’unité.

« WOLFANG. — J’ai accepté un programme, non une révision; mais en ad-