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varié, une mise en scène convenable, une troupe complète et satisfaisante; il leur suffit de quelques pièces à effet et d’un acteur hors ligne : l’intermittence des plaisirs dramatiques rend le public facile à contenter. De leur côté, les comédiens n’ont pas besoin de travailler : la brièveté de leur séjour fait paraître supportables les plus insuffisans d’entre eux, et les chefs-d’œuvre classiques qui demanderaient surtout de longues études préparatoires affrontent rarement l’indifférence générale. Pour que la représentation en soit possible, il faut une scène privilégiée, riche de ces traditions qui survivent aux hommes, et font la précieuse identité d’un théâtre, alors même que le personnel s’est entièrement renouvelé. Il faut que l’état, par ses encouragemens, permette aux comédiens de songer moins au métier qu’à l’art, et ne réserve pas exclusivement sa faveur aux scènes lyriques. En définitive, réduction du nombre des théâtres, compagnies dramatiques sédentaires, études sérieuses de la part des acteurs, goût sévère et intelligent du public, protection éclairée et généreuse des gouvernemens, voilà, si je ne me trompe, les conditions du progrès pour le théâtre en Italie, les moyens d’attirer, d’inspirer les hommes de talent. En attendant, les auteurs dramatiques d’au-delà des monts doivent être armés en guerre et avoir sur la poitrine ce triple airain dont parle Horace pour ne pas quitter le champ de bataille dès la première heure du combat.

L’estime qu’on accorde à leur courage, leurs œuvres la méritent-elles au même degré? Ici je ne ferai point une réponse collective qui serait une collective injustice : il faut séparer soigneusement les trois genres, tragédie, drame, comédie.

Il n’est pas de pays qui ait gardé plus sincèrement que l’Italie le culte de la tragédie. Les moindres élucubrations en ce genre trouvent le chemin de la scène, et le groupe des poètes tragiques en Italie ressemble fort à une armée. Ne tenons compte ici que des succès. Nommerai-je MM. Rubieri, Cocchetti, Franceschi, Ricciardi, Pieri, Marenco fils, Tomignani, pseudonyme sous lequel se cache un nom de femme, et la pléiade complètement ignorée des tragiques napolitains? Parmi les écrivains que l’opinion place au premier rang en Italie, plusieurs sont doués de quelque talent réel : on ne peut leur contester l’élégance ou l’énergie du style, la noblesse des sentimens, quelquefois même une certaine habileté scénique; mais il manque à tous la vie et l’originalité. Ils ont les meilleures intentions du monde, ils fouillent soigneusement l’histoire moderne pour y trouver des sujets propres à captiver l’attention de la foule; le drame seul reste en chemin : il ne sort de leurs veilles qu’une tragédie vieille avant de naître, tant elle ressemble à ses sœurs aînées. Ou bien si le poète, homme de cœur comme MM. Ricciardi et Rubieri, se laisse emporter par ses sentimens patriotiques, il sent bien