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droits de la critique, et si j’use de ces droits moi-même avec une sévérité que quelques personnes en Italie trouveront excessive, je crois inutile d’affirmer que cette sévérité n’est point une preuve de malveillance. Nul plus que moi n’applaudit aux efforts des descendans de Dante et de l’Arioste pour se montrer dignes de leurs pères et rajeunir leur antique gloire ; mais pourquoi leur laisser de dangereuses illusions sur la portée de ces efforts ? S’il ne s’agissait que d’assister à la fin d’un grand peuple, on pourrait, pour tempérer l’amertume de ses derniers momens, lui donner du bout des lèvres des éloges sans conséquence. Grâce à Dieu, l’Italie n’en est point là : il faut donc lui dire la vérité sans ménagemens et sans détours. Elle ne peut qu’y gagner.


I.

Quelles sont les véritables origines du théâtre italien ? Cette question est restée assez obscure. Suivant quelques-uns, il ne remonterait pas au-delà des siècles barbares du moyen âge ; mais la plupart de ceux qui en ont écrit l’histoire, tenant à lui trouver des titres de noblesse, ont cru le reconnaître dans le théâtre de l’ancienne Rome. Un seul fait est établi cependant par Apulée, Vossius, Diomède, Cassiodore, de même que par les fouilles qui nous ont livré des statuettes représentant divers personnages du théâtre ancien : c’est la continuité de la comédie populaire, héritière des Atellanes. Pour passer de ce genre à la comédie écrite et sérieuse, imitée de Plaute et de Térence, il ne fallut rien moins que la première renaissance, s’il est permis de nommer ainsi l’époque où la découverte des manuscrits réveilla le goût des lettres antiques. Encore l’imitation ne fut-elle pas immédiate. Il ne suffisait pas de le vouloir, il fallait le temps de rompre de vieilles habitudes et de s’en créer de nouvelles. Riccoboni affirme que la vraie comédie italienne dut reparaître vers le commencement du XIVe siècle ; il y a lieu de croire qu’il se trompe de cent ans environ : la première pièce régulière dont il soit question dans l’histoire du théâtre italien, la Floriana, n’a pas été imprimée avant l’année 1523, et ce n’est qu’en étudiant avec soin la langue, le style, le rhythme de cet ouvrage, que les meilleurs juges ont pu le rapporter aux premières années du siècle précédent.

Quoi qu’il en soit de ces commencemens tardifs, cent ans plus tard, l’art dramatique avait fait en Italie de sensibles progrès. Ceux qui le représentent alors, ce sont l’Arioste, le Trissin, le cardinal Bibbiena et Machiavel, dont la Mandragore, un chef-d’œuvre dans un genre peu avouable, est la seule comédie de ce temps qu’on lise encore aujourd’hui. Dès-lors néanmoins commencent ces singulières vicissitudes dont nous avons parlé. L’Arioste et Machiavel ont pour