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encourageait ainsi en effet les zémindars à donner asile à des bandes de voleurs qui, respectant les territoires de leurs patrons, où ils trouvaient un sûr asile, allaient ravager les districts voisins et revenaient partager avec eux les produits de leurs rapines. Il fallut donc revenir sur ces dispositions légales et faire rentrer les zémindars sous la loi commune, en les rendant responsables seulement des crimes auxquels ils auraient participé. Les modifications apportées par le nouveau système dans les pouvoirs attribués aux zémindars furent plus apparentes que réelles; les agens de la police native (chowkeedars), nommés désormais par les habitans de chaque village, et par conséquent sous l’influence du zémindar, restèrent de fait les âmes damnées de ce dernier et les complices obéissans de toutes ses iniquités.

L’intérêt de l’avenir, ce respect immuable des traditions qui caractérise à un si haut degré la race indienne, contribuent également à conserver aux zémindars du jour présent, chez les hommes de la police irrégulière, le même dévouement aveugle que les zémindars des siècles passés trouvaient dans leurs ancêtres. Le personnel de cette branche parasite de l’administration anglo-indienne est trente fois plus nombreux que celui de la police régulière; il se trouve beaucoup plus que cette dernière en contact direct, immédiat avec les populations. C’est le plus souvent par son intermédiaire que l’autorité supérieure est instruite des outrages faits aux lois. En un mot, on peut sans exagération résumer l’état actuel des choses en disant que la police entière de l’Inde est entre les mains des grands propriétaires. Qu’un attentat soit commis, ce sont les hommes de la police irrégulière, ces véritables agens du zémindar, qui en donnent avis aux représentans de l’autorité, et le peu qui a été dit de la lèpre morale dont la race indienne est couverte doit faire comprendre que, dans ces dénonciations premières, la cause des haines et des vengeances du maître est servie avec bien plus de zèle que la cause de la justice et de la vérité. Les agens inférieurs n’hésitent pas en effet à diriger les soupçons de la police régulière sur quiconque a encouru le déplaisir du despote au petit pied dont ils mangent le sel, si l’on peut emprunter ici la métaphore orientale consacrée. Il suit de là que l’établissement de la police régulière, vicieux comme il l’est dans tous ses rouages, doit, pour arriver en matière criminelle à la connaissance de la vérité, non-seulement combattre les. ruses et les mensonges des coupables, mais encore les ruses et les mensonges d’un établissement nombreux et rival qui fonctionne à ses côtés. Voici au reste en quels termes M. Halliday, l’un des membres les plus éminens de la hiérarchie anglo-indienne, appréciait les services du corps de la police auxiliaire : « Cette force de