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quelque fruit, quand, au mois de septembre 1851, j’eus enfin l’occasion de joindre l’exemple aux préceptes. Dans cette conjoncture. Dieu me donna la force de ne pas faillir à mon devoir.


IV.

Le commerce du coton écru ou mania est de première importance sur les frontières mexicaines. Le gouvernement mexicain, pour développer la fabrication de cet article, en avait concédé le monopole à cinquante-cinq négocians, la plupart Anglais et Espagnols. Le nombre des personnes qu’occupe cette industrie s’élève à 214,500, et depuis l’établissement du monopole jusqu’à 1850, c’est-à-dire pendant dix-sept ans, les fabriques ont fourni plus de quinze millions de pièces de cotonnade. Voulant protéger cette branche de l’industrie nationale, le gouvernement mexicain avait frappé les tissus étrangers de droits d’entrée si élevés qu’ils équivalaient à une prohibition. C’eût été un coup mortel pour le commerce des frontières texiennes, si la contrebande n’avait pris des proportions colossales sur toute la ligne du Rio-Grande, très insuffisamment gardée par quelques douzaines de douaniers. Cependant les négocians de Brownsville et ceux de Matamores souffraient également de cet état de choses, parce que le commerce de transit, se faisant par contrebande, s’étendait le long des rives du fleuve, au lieu de se concentrer dans ces deux villes. Ils se concertèrent pour provoquer un mouvement populaire contre le monopole et chargèrent le général Carvajal de révolutionner les états de Tamaulipas et de Nuevo-Leon. Le général Carvajal était un Mexicain courageux et entreprenant, bon soldat, je crois, plutôt que bon capitaine. Il avait été élevé dans un collège de jésuites aux États-Unis. Sa taille était médiocre, mais bien prise; ses traits réguliers, ses yeux vifs exprimaient à la fois la finesse et l’énergie. Durant la guerre entre le Mexique et les États-Unis, son rôle avait été équivoque. Depuis quelque temps, il nourrissait le projet de soulever les états mexicains des frontières, soit pour forcer le gouvernement à des réformes administratives, soit pour former une petite république indépendante du Mexique, qui eût pris le nom de république de la Sierra-Madre.

Le général Avalos, commandant des forces mexicaines de Nuevo-Leon, Tamaulipas et Cohahuila, eut vent de ce qui se préparait. Carvajal se trouvant à Camargo, il envoya une compagnie de lanciers pour l’arrêter; mais celui-ci, averti, s’échappa avant leur arrivée et se rendit à Rio-Grande-City, d’où il s’entendit avec des négocians de Brownsville pour avoir de l’argent, des munitions, et organiser