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lieu il avait condamné les complices de Catilina; mais alors les sénateurs étaient entraînés par l’éloquence d’un grand homme, maintenant ils accablaient, sur l’ordre d’un méchant empereur, celui devant lequel ils s’étaient prosternés, s’empressant de réparer par une bassesse une autre bassesse. Ce lâche empressement à se faire les instrumens de la disgrâce d’un homme dont ils avaient encensé la faveur explique comment on ne voit pas dans Rome une statue ou un buste de Séjan, et cependant on avait multiplié ses images à l’infini. Pas une seule n’a été épargnée par le zèle de ceux qui, pour se faire pardonner d’avoir adoré la fortune de Séjan, voulurent abolir sa mémoire.

Sous les mauvais souverains, il arrive souvent que le peuple se passionne pour un prince de leur famille, sur la tête duquel il place les espérances qui le consolent. Tel fut, sous Tibère, Germanicus. Aucun monument à Rome ne rappelle le nom de Germanicus : on sait seulement que ce prince, en qui le peuple romain avait mis son espoir, dédia le temple de l’Espérance. On érigea bien un arc de triomphe à l’occasion de ses victoires en Germanie, mais cet arc de triomphe fut dédié à Tibère. Cette usurpation n’a pas laissé de traces, et quoiqu’on sache qu’il était près du temple de Saturne, jusqu’ici l’on n’a pu en découvrir le moindre vestige[1].

Germanicus avait toutes les qualités de l’âme, — sa vie prouve à quel point il fut doué des plus rares vertus, — et toutes les qualités du corps, — on le sait par le témoignage des historiens, on le voit par ses portraits. C’est une douce et noble figure, qui respire la candeur et la loyauté. Sa loyauté ne fut que trop grande, et l’on voudrait qu’il n’eût pas été si généreusement fidèle à Tibère. Dans le musée de Saint-Jean-de-Latran sont deux statues de Germanicus; l’une d’elles a un geste clément qui rappelle celui de la statue équestre de Marc-Aurèle. Toutes deux, avec une expression différente, offrent quelques traits du profil de Tibère. L’affinité du sang explique cette ressemblance extérieure entre deux hommes dont les âmes n’étaient point de la même famille.

Il est possible que nous possédions le portrait du grand adversaire que vainquit Germanicus, de celui qui avait battu Varus et exterminé ses légions, de ce Germain qui s’appelait Hermann et que les Romains ont nommé Arminius. M. Braun, qui représente si bien à Rome l’érudition germanique, a cru le reconnaître dans un buste qui est au musée du Capitole. Ce n’est pas le buste d’un Romain. Les cheveux sont bouclés, et l’on croit sentir qu’ils sont blonds. Le type

  1. Non plus que d’un autre, également dédié à Tibère et qui s’élevait près du théâtre de Pompée.