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La question napolitaine est plus simple et moins délicate que la question romaine ; c’est pour cela qu’elle devait être abordée la première dans le règlement des affaires d’Italie. La bonne solution de l’une peut aider à la bonne solution de l’autre ; mais la question romaine semble peser plus douloureusement peut-être sur l’Italie et irriter encore plus vivement, si c’est possible, l’impatience de ce malheureux pays. Le dernier numéro de la Rivista Contemporanea contenait sur ce sujet un travail remarquable que nous croyons devoir signaler à l’attention des esprits politiques. Cet article, quoique publié par un recueil italien, est écrit en français. Il n’est point signé, mais à la mâle générosité de l’accent et au vif bon sens de l’argumentation, il est peut-être permis d’y reconnaître, sinon la plume, du moins l’inspiration d’un homme d’état distingué. Nous ne pouvons partager toutes les impatiences de l’auteur de cet article, nous le trouvons trop prompt à se décourager peut-être des résultats du congrès de Paris ; mais il est difficile de contester absolument ses conclusions sur l’administration des États-Romains. « Le gouvernement pontifical, dit-il, n’est pas un bon ou un mauvais gouvernement ; c’est l’absence de tout gouvernement. Ce n’est pas le gouvernement d’un souverain absolu, c’est celui d’une théocratie, d’une caste à laquelle appartient celui qui en est le chef, et qui exclut toutes les autres classes de la participation au gouvernement suprême du pays, où la classe des prêtres est celle qui, par son éducation, par ses études, par son institut, sa vocation et son caractère, doit être et est de fait la moins propre à remplir les conditions indispensables pour une bonne administration civile et politique… C’est tellement le gouvernement d’une caste, il y a si peu de nationalité dans les actes de la cour de Rome, que, par une anomalie qui n’a d’exemple dans aucun pays, le saint père applique le principe de l’universalité cosmopolite du catholicisme à l’administration publique. Des Siciliens, des Napolitains, des Génois, des Français sont appelés par lui à remplir les premiers postes diplomatiques et administratifs et même les plus hautes dignités au détriment de ses propres sujets… Quel intérêt peuvent avoir des étrangers à la bonne ou mauvaise administration d’un pays auquel nul lien ne les rattache ? De là des abus crians, qui font de chaque Légation des espèces de pachaliks, où la bonté ou l’intolérance, le désintéressement ou l’avarice cupide des titulaires fait toute la différence administrative ou politique, sans que jamais ces proconsuls ecclésiastiques songent à porter remède au mal existant. » L’occupation militaire des états pontificaux par des troupes étrangères est-elle un remède au mal ou un simple acheminement à un meilleur état de choses ? L’auteur fait à cette question des réponses qui ne sont guère réfutables. D’abord l’occupation des Légations par les troupes autrichiennes n’est pas, suivant lui, l’appui d’une force armée étrangère soutenant l’indépendance du souverain ; c’est l’annulation de cette indépendance, de cette souveraineté.

« Le général Degenfeld, dit-il, qui commande les troupes d’occupation à Bologne, prend le titre de gouverneur civil et militaire. Ses conseils de guerre jugent et condamnent non-seulement les délits politiques, mais les crimes politiques. C’est le maréchal Radetzky qui amnistie ou diminue les peines prononcées par les conseils de guerre. Ce sont les soldats autrichiens qui exécutent les sentences capitales portées contre les voleurs et les assassins. Que