Mes projets, dites-vous? Mes projets, vous voulez les connaître! Vous m’aimez donc? Oui, vous m’aimez, Fatma! Ai-je une autre pensée que de vivre avec vous, vivre loin d’ici !... Oh! que je suis heureux! J’ai peur de mourir!... Venez, Fatma, venez. Nous chargerons ma tante d’apprendre la grande nouvelle à mon père, c’est-à-dire à mon oncle, et nous quitterons sans tarder cette affreuse maison où vous avez tant souffert. Allons près de ma tante; je veux tout lui dire.
Je vous suis, Halil, et dorénavant je vous suivrai partout et toujours, aussi longtemps que vous voudrez de moi. (Ils sortent.)
UN EUNUQUE paraît sur le seuil de la porte et crie : Le pacha! Erjeb-Pacha entre.
Quoi! personne ici! (Il frappe des mains, l’eunuque reparaît.) Qu’on appelle ma sœur. (L’eunuque sort. Se promenant de long en large.) Je suis inquiet de la santé d’Adilé. SI elle allait tomber sérieusement malade! En ce moment, ce serait déplorable. Allah! Allah! qu’un homme d’état est malheureux! (Lindaraxa entre et fait le salut d’usage. Elle paraît fort troublée et impatiente d’abréger l’entretien.)
Quelles nouvelles me donnez-vous d’Adilé, ma sœur?
Je ne l’ai pas vue depuis ce matin, et elle m’a semblé à peu près comme à l’ordinaire. Elle n’a pas mauvaise mine, son appétit est bon; mais les attaques de nerfs, les vapeurs, les sanglots, tout cela se succède sans relâche.
Et vous attribuez tous ces maux?... Parlez franchement, ma sœur... Que je ne vous intimide pas !
Si je dois vous dire franchement toute ma pensée, je les attribue... à un caprice.
Je voudrais de tout mon cœur partager votre aveuglement; mais ne voyez-vous pas que la pauvre petite laisse son cœur ici, et que la pensée de me perdre la jette dans un trouble extrême?
Je n’aime pas à soutenir mon opinion contre la vôtre, mon frère, et je veux croire que vous avez raison; mais je n’ai pas vu Adilé de la journée, souffrez que j’aille m’assurer de son état présent.
Allez, ma sœur, je vous attendrai ici. (Lindaraxa sort.)