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HALIL-BEY.

Est-elle gaie? aime-t-elle à jouer et à courir?

HAMID-BEY.

Quant à la course, l’éducation qu’elle a reçue ne lui a pas permis de se livrer à ce genre d’exercice; mais son humeur est des plus enjouées, et le seul reproche que sa mère lui ait jamais adressé, c’est de trop aimer à jouer et à se divertir.

HALIL-BEY.

En ce cas, sa mère a tort. A quoi une femme de douze ans est-elle bonne, si ce n’est à jouer avec un mari de dix-sept? (avec brusquerie et d’un ton sérieux.) Mais après tout qu’est-ce que cela me fait? J’aime mieux ne pas me marier, ne pas être gouverneur, et rester tel que je suis.

ERJEB-PACHA.

Vous ne parlez pas sérieusement, Halil.

HALIL-BEY.

Pourquoi cela, père? Si j’ai jamais parlé sérieusement, c’est à présent, je vous le jure. Je suis heureux, j’ai ce qu’il me faut, je m’amuse... quelquefois... On m’aime, on a soin de moi... Qu’irais-je chercher ailleurs?

AHMET-EFFENDI.

L’heureuse modération!

ALI-BEY.

L’aimable simplicité de cœur !

ERJEB-PACHA.

Mais, Halil, que dirait sa hautesse, notre vénéré maître, si elle pouvait soupçonner le peu de cas que vous faites de ses bontés ?

HALIL-BEY.

Bah! qu’importe à sa hautesse? Elle a bien autre chose à faire qu’à s’occuper de moi. Et puis ne soyez pas en peine : son mudiriat ne lui restera pas sur les bras, et elle trouvera bien à le placer.

ERJEB-PACHA.

Mais c’est ce qui vous trompe, Halil; votre refus aurait une haute signification politique.

HALIL-BEY.

Bah!

ERJEB-PACHA.

Quant à votre mariage avec la fille de mon honorable ami, je ne vois pas ce que vous pouvez y trouver à redire.

HALIL-BEY.

Hum!

ERJEB-PACHA.

Au reste nous parlerons de tout cela en particulier. Je ne veux pas abuser des précieux loisirs de mes honorables amis.

HALIL-BEY.

Votre excellence n’a plus rien à nous ordonner?

AHMET-EFFENDI.

Votre excellence nous permet de nous retirer?