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MAURICE DE TREUIL.

Mme  Sorbier n’aime pas le gendre que lui a donné M. Closeau du Tailli.

— Ah ! vous croyez ?

— J’en suis sûr. Pourquoi ? je l’ignore ; mais il est certain que c’est le parrain de Sophie qui a combattu ma candidature, comme nous disons en style parlementaire. Si M. Maurice de Treuil déplaît fortement à Mme  Sorbier, il n’est pas aimé follement par Mlle  Sorbier.

— Oh ! cependant il n’a pas fallu plus de vingt-quatre heures pour la décider à l’accepter.

M. de Courtalin haussa les épaules.

— Il ne faudra pas trois mois pour le perdre radicalement dans son esprit, dit-il. Feu de paille que tout cela ! Je verserai là-dessus toute la rosée des flatteries, et il n’y paraîtra plus.

— Don Juan !

— Or M. Sorbier a des millions, et Mlle  Sorbier est charmante.

— Adorable.

— J’ai d’une part trente-six ans, et de l’autre des mines dans l’Auvergne ; j’ai donc bien le droit de penser à la fille pour ma jeunesse et aux millions pour mon industrie. D’une part j’ai le temps d’attendre, mais de l’autre j’ai besoin de capitaux pour lancer le plomb argentifère des mines de Saint-Flavien sur l’océan de la Bourse. Donc je ne boude pas, et la noblesse de ma conduite, où l’on verra poindre la tristesse d’un cœur blessé, m’assurera des intelligences dans la place.

— Quel diplomate !

— Il faut que quelqu’un paie pour mon échec ; M. Sorbier et M. de Treuil paieront. Voilà pourquoi je reste. M’approuvez-vous ?

— Sans hésiter.

— Alors allons signer au contrat.

M. de Courtalin et Guillaume entrèrent au salon où la compagnie était réunie, et une heure après le contrat de mariage de Maurice de Treuil et de Mlle  Sophie Sorbier était signé.

Quatre jours plus tard, le mariage était célébré à la Madeleine, et le soir même les époux partaient pour l’Italie.

Amédée Achard.

(La seconde partie au prochain n°.)