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passa quelque peu du gouvernement à l’église. Celle-ci ne se crut chargée que d’un ministère tout extérieur. Les croyances furent placées sur la même ligne que les conventions sociales; elles ne furent guère plus sacrées que les lois, et le sentiment chrétien fit place en partie à un sentiment qui tend à tout dominer en Angleterre, celui du devoir envers la société dont on est fier d’être membre. Vous êtes surpris, en lisant des livres anglais même religieux, du rôle que joue ce dernier sentiment dans les motifs de la foi et même de la piété. Au reste, pour bien des hommes, il en est naturellement ainsi. Sous une forme ou sous une autre, la sociabilité entre pour beaucoup dans toute religion. Ceux que guide une vocation toute spirituelle sont, on l’avoue, l’objet d’une grâce particulière; qui ne sait que les vrais chrétiens sont rares? Respecter ce que la société respecte, persister dans une tradition nationale, rendre hommage au Dieu de l’univers dans la forme qu’a préférée la patrie, comme on vénère la justice universelle sous l’enveloppe de la loi que la patrie s’est donnée, sont des effets légitimes de l’éducation, de la sympathie, de la confiance, de la déférence, de tout ce qui lie enfin et maintient la société, et ces effets ne sont pas les moindres garanties de la durée d’une religion établie par la tradition et consacrée par le passé.

Mais aucun de ces sentimens ne peut répondre de l’identité absolue des opinions entre tous les sujets d’une même loi. Cette identité est la condition qu’exige l’orthodoxie, laquelle suppose l’infaillibilité. Malgré toutes les prétentions de l’anglicanisme à la quasi-infaillibilité de ses symboles, à la quasi-divinité de son institution, il y a entre ces choses et la réforme considérée dans son esprit et son histoire une telle contradiction, que l’église britannique ne peut aller bien loin dans cette voie sans risquer de se rencontrer avec l’église romaine. Aussi, comme cette dernière au reste, a-t-elle fait prudemment retraite sur l’unique question de la hiérarchie, et pendant longtemps, satisfaite qu’on lui permît d’exister avec son organisation, son culte et son patrimoine, elle a fait bon marché du reste. Et en effet une institution légale n’a rien à demander de plus.

C’est ce qui explique pourquoi les communions dissidentes ont paru plus zélées que l’église constitutionnelle. Exempte de formalités officielles, leur religion était plus libre en elle-même, plus volontaire et plus réfléchie, par conséquent plus sincère et plus maîtresse du cœur. La nécessité de résister à l’autorité de l’épiscopat entretenait chez les dissidens la vie de la conscience. Pour exister seulement, il leur fallait se défendre. La parole constatait seule leur présence et seule maintenait leur droit. Si les communions dissidentes ne propageaient leur croyance, elles risquaient de disparaître. Pour