Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et bientôt de France, venaient chercher un refuge en Angleterre. Menacé cependant par une loi qui remit en vigueur les dispositions pénales d’Elisabeth contre les conventicules illicites, il se conduisit avec réserve, parut quelquefois aux offices de l’église, et forma des liaisons utiles avec ceux de ses membres que des lumières supérieures ou des opinions hasardées préservaient d’une intolérance exclusive. Ceux-ci sortaient presque tous de l’université de Cambridge, qu’anima toujours un esprit relativement libéral. Parmi eux, on commençait à distinguer l’illustre Tillotson, qui devait un jour, s’élevant à l’archevêché de Cantorbéry et à la primatie ecclésiastique, faire respecter les principes de la liberté religieuse, en conservant les caractères de l’orthodoxie. Il serait plus difficile de les reconnaître tous à Cudworth, à More, à Whichcote, à Worthington, à d’autres docteurs qui formèrent alors des écoles nouvelles de théologie symbolique. La plupart tenaient en grande estime Épiscopius, regardé en Hollande comme le patron du pélagianisme. Peut-être lurent-ils sans trop d’indignation l’ouvrage de Jean Crellius, De uno Deo patre, dont une traduction parut vers cette époque en Angleterre, publication importante à laquelle Firmin a toujours passé pour n’être pas étranger. Un fils de Crellius lui-même, Christophe Krell, un des derniers représentans de cette famille polonaise de sociniens célèbre alors sur tout le continent, vint à Londres et y trouva bon accueil. La chute du comte de Clarendon, dont l’austérité convenait peu à Charles II, fut un événement favorable aux non-conformistes, et l’on songea même à les comprendre tous dans un acte général de liberté religieuse. Ce projet sourit toujours aux deux rois de la restauration. Ils espéraient que le principe, une fois posé en faveur des dissidens, profiterait aux catholiques. Ce qu’on appela un système de compréhension, pour le distinguer du système de simple tolération, fut alors et souvent depuis essayé, mais toujours vainement, et, se fût-il réalisé, on ne sait si jamais il eût compris soit le papisme, soit l’unitairianisme. Ce n’est guère que de nos jours qu’une liberté universelle de conscience s’est à peu près établie en Angleterre.

En effet, malgré la tolérance sincère ou calculée de la cour, les quakers eux-mêmes ne purent jouir d’une tranquillité parfaite, et pour avoir attaqué les fondemens de plusieurs dogmes, parmi lesquels il faut compter celui des trois personnes divines, William Penn fut mis à la Tour de Londres. Bientôt l’acte dit du test vint donner une nouvelle force légale au credo d’Athanase (1673). Le sacrement suivant la liturgie anglicane fut imposé à toute espèce de fonctionnaire public, et cette loi est restée en vigueur jusqu’au règne de George IV (1828). Les dissenters, considérant l’obligation du test comme une formalité insignifiante, ou comptant qu’on les en