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sectes. Son zèle était sincère, mais remuant, et son ardeur inconsidérée l’exposa à de nombreuses épreuves, dont le récit offrirait un intérêt véritable. Lui et Thomas Firmin sont les deux hommes de ce parti religieux qui mériteraient le plus qu’on racontât leur histoire. L’un, toujours prompt à combattre et prêt à souffrir, fut un homme de propagande et de controverse; l’autre, par une charité active et universelle, servit la cause en secondant, en protégeant avec chaleur les personnes, sans se déclarer jamais lui-même. Il lutta constamment contre la persécution et ne l’encourut pas. Lorsque Biddle fut, par ordre de Bradshaw, renfermé à Newgate, Firmin était encore tout jeune, et il alla demander à Cromwell la mise en liberté de son ami. Cromwell lui répondit laconiquement : « Tête d’enfant en cheveux bouclés, pensez-vous que j’irai témoigner quelque faveur à un homme qui renie son Sauveur et qui trouble le gouvernement? » Mais Cromwell n’aimait pas plus la persécution que la liberté, quand l’une ou l’autre faisait du bruit; un acte d’oubli général fut décrété (1652), et Biddle sortit de prison. Devenu lord protecteur l’année suivante, Cromwell prêta serment à un acte en quarante-deux articles, dont quatre promettaient la liberté civile à quiconque, en dehors du papisme et du culte épiscopal, professerait la foi en Dieu par le Christ. Ces termes semblaient comprendre jusqu’aux unitairiens : on avait dit au parlement que la loi protégerait tous ceux qui s’accorderaient sur les points fondamentaux; mais ces points, quels étaient-ils? Un comité, renforcé de théologiens, fut chargé d’en décider; il fit un projet qu’on n’adopta pas, et une certaine tolérance régna de fait. Il y avait peu de temps que les quakers avaient commencé à s’établir, et leur orthodoxie sur la question de la Trinité était au moins douteuse. Un livre, célèbre en Pologne sous le titre de Catéchisme de Rahow, avait été réimprimé à Londres. Quoique saisi par ordre du parlement, il s’était propagé. Des traductions en popularisaient la doctrine. Biddle la résuma dans un écrit intitulé Double Catéchisme (a Twofold Catechism). Traduit pour ce fait devant le parlement, qui fit brûler son livre, il obtint des tribunaux que sa liberté personnelle fût respectée. Il en profitait pour répandre sa foi, surtout parmi les baptistes, lorsqu’un de leurs ministres l’entraîna dans une discussion compromettante. De nouvelles poursuites le menacèrent; mais Cromwell, pour éviter le scandale et rétablir la paix, l’exila aux îles Sorlingues, où Firmin lui fit passer des secours et bientôt même une pension de cent couronnes (cinq cents shillings), qu’il obtint pour lui du protecteur. La fermeté de Cromwell finit par triompher des résistances et des passions des sectes, et, peu de temps avant de mourir, il permit à Biddle de rentrer en Angleterre. La restauration trouva Biddle pasteur indépendant d’une congrégation de sa croyance.