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une histoire de l’origine, de l’accroissement et du danger du socinianisme, ouvrage dont le parlement ordonnait l’impression. Tout en poursuivant ses hostilités contre la cour, et bientôt contre le roi, ce corps surveillait assez sévèrement les hérésies qu’il tenait pour anti-chrétiennes ; il les faisait rechercher et proscrire dans les universités. Enfin, l’année même de l’exécution du roi, les lords et les communes rendaient contre le blasphème une ordonnance criminelle où la divinité de Jésus-Christ est vengée par la peine capitale et justifiée par des citations bibliques. Des théologiens d’origines diverses, et qui n’appartenaient pas tous au même parti politique, Best, Weberley, Erbury, furent inquiétés pour leurs hardiesses touchant la Trinité au moment même où les chambres abolissaient l’épiscopat, et, plus qu’aucun d’eux, John Biddle, de l’université d’Oxford, celui qu’on a nommé le père de l’unitairianisme anglais, eut à répondre jusque dans les fers de ses attaques à la divinité personnelle du Saint-Esprit. Ces persécutions durèrent autant que la domination des presbytériens; mais lorsque les onze membres du parlement qui passaient pour leurs chefs dans la religion et dans la politique eurent été expulsés de leurs sièges, lorsque le parti indépendant prit le dessus, despotique dans le gouvernement, il le fut moins dans l’ordre spirituel. Ce parti avait réclamé le premier contre l’intervention de la loi en matière religieuse, et, parvenu au pouvoir, il voulut faire du royaume des saints une démocratie puritaine. Deux ou trois ans se passèrent pendant lesquels un esprit de tolérance générale parut près de l’emporter. Un grand nombre d’ouvrages publiés sur le continent en faveur de la liberté de conscience furent traduits en anglais. Le pouvoir semblait plus animé contre les institutions religieuses que contre les personnes. Il abolit plutôt qu’il ne persécuta.

Cependant on avait grand’peine à comprendre dans la même impunité que les autres sectes la secte socinienne. Ceux qu’une certaine manière de raisonner conduisait, en pure théorie, à cette extrémité du christianisme, sans qu’ils en fissent un dogme spécial et le principe d’une congrégation, n’étaient pas tourmentés, et parmi les indépendans plus d’un avait au fond, touchant le Messie et l’incarnation, des idées très hasardées. Dès qu’ils n’en inscrivaient rien sur leur bannière, tout leur était permis; mais la prédication publique de l’unité absolue de la personne de Dieu n’obtenait pas la même indulgence. Et par exemple, Biddle, qui avait retrouvé sa liberté à la chute des presbytériens, ayant publié de nouveaux écrits de controverse, se vit bientôt cité par Bradshaw, qui présidait le conseil d’état, celui qui avait prononcé l’arrêt de Charles Ier, Les opinions de Biddle paraissaient des blasphèmes à presque toutes les