Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

croit généralement que l’interprétation du dogme ne fut consacrée en termes définitifs qu’au IVe siècle par le concile de Nicée, qui proscrivit l’hérésie arienne, et décréta, dit-on, le symbole que chacun connaît. Un autre symbole, qui porte le nom d’Athanase, et que l’église a inséré dans sa liturgie, exprime, sous la menace répétée de damnation éternelle, la foi obligatoire dans la Trinité consubstantielle. Ces deux symboles expriment ce que n’exprimait pas l’antique et vénérable déclaration connue sous le nom de symbole des apôtres. Aussi est-il admis que c’est depuis l’apparition de l’arianisme que le dogme et surtout l’expression correcte du dogme de la Trinité ont été parmi les fidèles mis à l’abri de toute incertitude et de toute erreur. Saint Jérôme et saint Augustin le disent positivement, et un théologien moderne justement estimé, et que Bossuet a défendu, le père Petau, jésuite, a écrit qu’il ne fallait en cette matière citer qu’avec précaution les pères antérieurs au IVe siècle. Rien en cela ne saurait inquiéter un catholique, la règle principale de la foi étant pour lui dans la tradition et l’autorité de l’église; mais les protestans, qui n’ont pas le même recours contre le doute, ne peuvent aisément admettre une apparence d’incertitude ou d’obscurité, quand il s’agit de la tradition des siècles apostoliques sur un point fondamental. Aussi quelques-uns de leurs théologiens ont-ils rudoyé nos docteurs pour leurs concessions sur la croyance des plus anciens pères de l’église, et un évêque anglican a combattu très vivement le père Petau dans un ouvrage encore estimé par les chrétiens des deux communions[1].

Les précurseurs et les imitateurs d’Arius furent nombreux. Des doctrines diverses, mais qui toutes détruisaient ou atténuaient la divinité du fils, pénétrèrent dans le monde chrétien sous des noms différens. La subtilité des Grecs multiplia les nuances et les expressions, et pendant les dix-neuf ans qui suivirent le concile de Nicée, on compte jusqu’à quatorze professions de foi distinctes qui s’écartent des termes consacrés. Il s’est même trouvé des critiques qui ont soutenu que ni le langage des pères de Nicée, ni celui d’Athanase n’étaient absolument exempts de toute trace d’arianisme, ou plutôt de semi-arianisme, car on a en général rangé sous ces deux chefs les doctrines anti-trinitairiennes. L’arianisme proprement dit ne veut voir dans le Sauveur qu’un être créé, inspiré miraculeusement ou naturellement par le Créateur, et qui à ce titre peut être appelé fils de Dieu, comme tous ceux à qui la Bible donne ce nom. Le semi-arianisme, conservant au Christ un rang et une nature au-dessus de l’humanité, le représente comme né avant le monde ou même avant tous les siècles, comme l’intermédiaire et l’agent même du Très-Haut

  1. Defensio fidei Nicœnœ, 1685.