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tout à l’honneur du christianisme en général. Le spectacle que les sectes offrent au-delà du détroit mérite d’être décrit. Absorbés que nous sommes par les discussions médiocrement sincères auxquelles nous assistons de plus près, nous avons peu l’idée du mouvement religieux et philosophique des autres peuples, et ne le connaissant pas, nous sommes enclins à le nier. Il s’en faut cependant que, surtout depuis vingt-cinq ou trente ans, les questions qu’on peut appeler spirituelles abandonnent toute la place en Angleterre aux questions économiques et politiques. Elles ont reparu au contraire et produit des recherches, des publications, des débats d’un vif intérêt. Si l’esprit de critique ne se donne pas aussi libre carrière qu’en Allemagne, s’il conserve de certains ménagemens et de certains dehors que dédaignent la science et la méditation germanique, il s’ouvre néanmoins un champ qui paraîtrait encore assez vaste à nos controversistes, et dans les bornes qu’il se pose, plus étroites peut-être que celles où se renferme chez nous la pensée intérieure, il se permet tout, et il élève des questions qu’en France on ose rarement aborder. C’est le privilège du protestantisme. Nous n’en comptons point user avec lui, notre intention n’étant pas de rien discuter, mais de faire connaître historiquement les discussions auxquelles d’autres se sont livrés, et d’esquisser les traits de quelques hommes distingués par leurs opinions ou leurs écrits, dont la réputation n’a point passé la Manche. Il y a parmi nous aujourd’hui un tel défaut d’originalité, même une telle absence de mouvement intellectuel, qu’il faut, pour que la pensée n’y tombe pas tout à plat, chercher ailleurs la vie et la nouveauté.


II.

Si l’on réduit pour un moment notre religion à une théodicée, c’est-à-dire à une science de Dieu, il semble que le dogme de la Trinité la caractérise et la constitue. Un Dieu médiateur est une pensée particulière au christianisme, et sans laquelle il paraîtrait se rapprocher davantage de l’état d’une simple philosophie religieuse. Sur ce point décisif, le désaccord a cependant éclaté entre les chrétiens dès les siècles apostoliques. Saint Jean vivait encore que Cérinthe contestait la divinité du Christ, et le quatrième évangile fut écrit en partie pour confondre Cérinthe. On veut que les ébionites aient sur le même sujet combattu saint Paul. Il faut même reconnaître que, séparé de la tradition et des décisions de l’église, le texte du Nouveau-Testament n’établirait pas avec une évidence incontestable le dogme fondamental de la Trinité, ou du moins la doctrine orthodoxe qui paraît n’avoir pas même été fixée par le concile d’Antioche, lorsqu’il condamna l’évêque de cette ville, Paul de Samosate, car on