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REVUE. — CHRONIQUE.

pouvant incriminer aucun de nos actes, citer un seul fait contraire aux droits de la guerre reconnus par les nations civilisées, quelques-uns d’entre eux publient nos moindres paroles, les propos les plus insignifians, qui, tronqués ou mal rendus, prennent sous leurs plumes un sens qui était loin de notre esprit et bien plus loin encore de notre cœur.

Que ces terribles interrogatoires que je leur ai fait subir leur servent de titres à des faveurs, tant mieux pour eux ! Je ne veux pas scruter leurs réponses ni contester leur patriotisme. Ils iront peut-être, en récompense de leurs services, surveiller dans les citadelles, dans les déserts et les mines de Sibérie, des milliers de prisonniers polonais qui y gémissent depuis plus d’un quart de siècle. Qu’ils se rappellent que ces prisonniers étaient de vaillans soldats, qu’ils ont appartenu à l’une des plus belles armées de l’Europe, et dont le nom cependant est effacé aujourd’hui des fastes militaires. Ils ont été, eux aussi, animés du plus pur patriotisme, et ont héroïquement combattu pour l’indépendance et les libertés de leur pays, garanties par des traités solennels. Qu’ils montrent à leur égard, lorsqu’ils seront leurs gardiens, les sentimens d’humanité et de générosité dont ils ont éprouvé eux-mêmes les effets dans les camps de l’armée française, car, j’en suis sûr, beaucoup d’entre eux, lorsqu’ils seront loin de l’œil de leurs chefs, béniront le nom français et porteront toujours au fond de leur âme un souvenir reconnaissant de leur séjour au milieu de nos camps.


Tanski,




Heliondé or Adventures in the sun[1]. — Un des faits qui semblent le mieux justifier cette pensée de Mme Dudeffand, qu’il ne nous serait en rien profitable de connaître les choses qui nous sont éternellement cachées, est le peu d’intérêt qu’offrent généralement les livres d’imagination qui essaient de s’appuyer sur les phénomènes scientifiques. Plus d’une fois des écrivains et des romanciers ont voulu transformer en œuvres poétiques les lois de l’astronomie et les hypothèses de la science moderne sur la pluralité des mondes, et aucune de ces tentatives n’a réussi. Depuis Cyrano de Bergerac jusqu’à l’auteur d’Heliondé, la littérature a usé et abusé des voyages à la lune, au soleil et dans les différens mondes qui peuplent les espaces célestes, et de tous ces voyages merveilleux pas un ne vaut l’excursion d’Astolf à la recherche de sa raison. Cependant rien n’est ingénieux en général comme les moyens qu’ont employés ces écrivains pour frapper notre imagination. Ce sont des phénomènes inconnus d’ombre et de lumière, des lunes bleues ou vertes, des hommes ailés, toute une histoire naturelle bizarre, et le récit de toutes ces merveilles ne s’empare pas plus fortement de notre esprit que les splendeurs d’un feu d’artifice et les fantasmagories d’un diorama. Cette impuissance à concevoir un merveilleux différent de

  1. Un vol. in-8o ; Chapman and Hall, London.