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de pintos, après avoir ramassé le plus d’armes et de munitions possible, Alvarez repartait pour l’état de Guerrero, laissant M. Comonfort pour le remplacer à Mexico. M. Comonfort lui-même du reste, avant de devenir chef de la république, avait eu une carrière des plus variées ; il a été avocat, préfet, député, sénateur, directeur des douanes, colonel de milice départementale, puis l’un des généraux de la dernière insurrection. Quelle était la politique de M. Comonfort ? Le président substitué flottait entre les modérés et les puros, qui cherchaient à l’entraîner dans une voie de mesures puérilement révolutionnaires.

Mais tandis que M. Comonfort s’établissait au pouvoir, ses autres compétiteurs ne restaient point inactifs. M. Haro y Tamariz, qu’on essayait un moment d’emprisonner à Mexico, s’échappait et allait lever le drapeau de l’insurrection dans l’état de Puebla. M. Haro y Tamariz est un homme très considéré au Mexique, d’un caractère résolu, d’opinions conservatrices très arrêtées. Il croit que le Mexique ne peut être sauvé que par une autorité vigoureuse et concentrée, et on lui a même attribué le projet d’établir un empire. Son influence est grande dans les classes cultivées, même parmi les femmes, et surtout dans les rangs du clergé, menacé d’une dépossession violente qui s’est réalisée. M. Haro eût réussi peut-être, sans un incident qui venait contrarier tous ses plans. Le fort de San-Juan d’Ulloa, qui s’était prononcé en sa faveur, et qui pouvait réduire la ville de Vera-Cruz, était obligé de se soumettre par suite de l’intervention d’un navire français qui cherchait à préserver le commerce étranger. Privé de ce secours et assiégé dans Puebla, M. Haro était réduit à s’enfuir et à quitter le Mexique. M. Comonfort triomphait donc sur ce point ; mais il restait un autre compétiteur, c’était Vidaurri, régnant à peu près en maître au nord de la république. Ce Santiago Vidaurri est, à vrai dire, un personnage assez curieux, homme habile, énergique, qui depuis trente ans cherche à se faire jour. Il est resté secrétaire de l’état de Nuevo-Leon à travers toutes les révolutions, et il s’est rendu nécessaire au point de se faire accepter par tous les gouverneurs jusqu’à ce qu’il ait pu les supplanter à son tour. Peu avant sa chute, Santa —Anna envoyait l’ordre de le faire arrêter ; mais Vidaurri s’échappait, et bientôt il reparaissait en triomphateur à Monterey, où il se proclamait le chef de la révolution. Il publiait son programme, dont les principaux articles étaient le self-government, le licenciement de l’armée, la dépossession de l’église. Comme il a passé sa vie à gagner la popularité, familier avec les mœurs et les instincts des masses auxquelles le rattache une naissance obscure, il est parvenu depuis la révolution à se créer un pouvoir et une situation complètement distincts. On lui suppose l’intention de se déclarer définitivement indépendant, de fonder une république nouvelle, la république de la Sierra-Madre, et de demander la protection des États-Unis. Quant au gouvernement central, Vidaurri n’en a jamais tenu compte, et il y a quelques mois déjà qu’il décrétait de sa propre autorité la réunion des deux états de