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être répandue sur toutes les parties des ceps en aspersion à l’aide d’une pompe d’arrosage deux ou trois fois avant la floraison et une ou deux fois après que le raisin est noué. Plusieurs viticulteurs, MM. Bouchardat, Marès, etc., en ont obtenu de bons résultats. M. Turrel est ainsi parvenu à faire cesser les ravages de l’oïdium dans un vignoble d’une étendue considérable (10 hectares). Malheureusement, faute d’avoir renouvelé les aspersions, le mal reparut, et enleva la plus grande partie de la récolte. Le reproche fondé qu’on adresse à cette méthode est précisément de produire un effet trop peu durable, tandis que le soufre, en vertu de sa volatilité, prolonge son action d’une injection à l’autre. On réaliserait peut-être à la fois la même condition utile et une grande économie de soufre en employant, comme l’a proposé M. Price, la solution de pentasulfure de calcium, dont la préparation est très facile. M. Price assure même, d’après sa propre expérience en Angleterre, qu’une seule injection faite sur le sarment avant le développement des bourgeons peut suffire, que dans ce cas le soufre, graduellement mis en liberté à mesure que l’acide carbonique de l’air s’unit à la chaux, prolonge durant toute la saison l’effet utile. La chose vaut la peine d’être vérifiée; malheureusement personne que je sache ne s’en est encore occupé en France.

Au nombre des améliorations agricoles qui peuvent concourir avec le soufrage à diminuer la funeste influence de l’oïdium sur les vignes, on doit aussi compter le drainage, si heureusement appliqué en France et en Angleterre à l’assainissement de vastes étendues de terres humides. L’excellent exemple donné par M. Le comte Duchâtel est venu lever les objections relatives aux difficultés particulières que l’exécution du drainage devait rencontrer, disait-on, dans les vignobles[1]. Ses opérations ont eu lieu sur 90 hectares de vignes dans son domaine de la Gironde : elles ont procuré une plus-value annuelle de 75 fr. par hectare, qui dépasse le prix d’exécution des travaux.

Il reste à déterminer maintenant quelle action les raisins attaqués par l’oïdium, mais parvenus à la maturité, ont sur la qualité des vins. Cette action varie suivant la proportion où ils entrent dans la vendange : lorsque la proportion est faible, leur influence est nulle ou très peu sensible; en fortes proportions, ils donnent, en raison de la dessiccation qu’ils ont spontanément éprouvée, un moût plus dense, qui, par la fermentation, devient plus alcoolique; sa couleur est

  1. Une médaille d’or de première classe a été décernée à M. Le comte Duchâtel par la Société centrale d’Agriculture pour cette grande innovation viticole.