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de contact avec l’oïdium. Cependant, lorsqu’il y a urgence, on peut faire l’application du soufre à toute heure de la journée, pourvu que ce ne soit pas pendant la pluie, car alors il serait presque impossible de faire arriver et de maintenir la fleur de soufre en contact avec l’oïdium.

On emploie, pour chaque soufrage d’un hectare de vigne, en moyenne, 50 kilos de fleur de soufre[1], coûtant 14 francs. En ajoutant pour prix de la main-d’œuvre quatre journées de femme à 1 franc 50 cent., ou 6 francs, on voit que chaque soufrage coûte 20 francs, et que 3 soufrages reviennent à 60 francs. Cette dépense, dans le Midi, n’équivaudrait qu’à un sixième ou un septième des frais annuels, qui s’élèvent à 156 fr. 50 cent, d’après les calculs de M. Mares, en y comprenant la culture, les vendanges, le loyer et l’intérêt des fonds employés en ustensiles et magasins. Il en coûterait moins encore dans beaucoup de localités, notamment en Champagne et en Bourgogne, où les vignes présentent un développement moindre. On ne concevrait pas, lorsqu’il s’agit d’un surcroît de dépense aussi faible, qu’on hésitât à écarter de nos vignobles une maladie qui les menace d’un anéantissement complet, et qui amènerait bientôt la ruine d’une des principales industries de la France[2].

  1. Il faut compter quelques kilos de moins pour le premier soufrage au mois de mai ou de juin, lorsque les pampres sont moins développés, et quelques kilos de plus pour le dernier soufrage au mois de juillet ou d’août, lorsque le volume des ceps est plus considérable. La main d’œuvre, moins élevée dans le premier cas, plus forte dans le second, laisse également comme moyenne la dépense ci-dessus indiquée du soufrage intermédiaire. Tous ces calculs sont basés sur les faits qu’a recueillis M. Mares en opérant pendant trois années consécutives sur 25 hectares de vigne.
  2. Quelques chiffres sur l’état de cette industrie avant et après la maladie sont bons à citer. La France se divise en dix régions viticoles. Que l’on compare les résultats de l’année moyenne peur chacune de ces régions à ceux de 1854. Dans la première région, 8,833 hectares plantés en vigne produisent, année moyenne, 101,468 hectolitres de vin et 200 hectolitres d’alcool ; en 1854, le même nombre d’hectares a fourni 4,403 hectolitres de vin et 7 d’alcool. — Dans la deuxième région, sur 35,985 hectares, on obtient, année moyenne, 1,577,907 hectolitres de vin, 788 d’alcool; en 1854, on a obtenu 296,691 hectolitres de vin, 622 d’alcool. — Dans la troisième, sur 115,756 hectares, l’année moyenne produit 5,012,947 hectolitres de vin, 26,154 d’alcool: 1854 a donné 727,382 hectolitres de vin, 2,803 d’alcool. — dans la quatrième région, nous trouvons 382,724 hectares donnant, année moyenne, 8,600,053 hectolitres de vin, 297,384 d’alcool, et produisant en 1854 1,456,298 hectolitres de vin, 49,772 d’alcool; — dans la cinquième, 177,424 hectares donnant, année moyenne, 4,302,317 hectolitres de vin, 6,066 d’alcool, et produisant en 1854 931,904 hectolitres de vin, 4,563 d’alcool. — Des différences analogues s’observent dans les cinq autres régions. Au total, sur 2,109,647 hectares plantés en vignes que compte la France, l’année moyenne donne 44,990,696 hectolitres de vin, 1,126,065 d’alcool. — 1854 a fourni 9,569,672 hectolitres de vin, 172,293 hectolitres d’alcool. — Les prix du vin en France varient entre 15 et 200 fr. l’hectolitre. Si l’on estime la valeur moyenne sur l’ensemble à 20 fr., on aura une somme de 900 millions, représentant le prix total des 45 millions d’hectolitres de l’année moyenne. Cette production annuelle représente au-delà d’un milliard pour le commerce des vins de toute espèce livrés aux consommateurs de la France et de l’étranger. En 1854, comme on n’a récolté que 9,569,672 hectolitres, la valeur totale, en portant le prix moyen de l’hectolitre à 50 fr., aurait été de 478,483,600 fr., soit la moitié de la valeur d’une récolte ancienne. En 1836, nous exportions 1,278,518 hectolitres de vin; en 1854, on en a exporté 1,175,085 hectolitres seulement. La diminution des récoltes amenait, il est vrai, une grande augmentation des prix, et malgré la quantité inférieure des vins exportes en 1854, les opérations de cette année donnaient un chiffre de 130,567,545 fr. contre la somme de 47,462,907 fr., représentant l’exportation supérieure de 1836.