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donna toute son approbation à ces conclusions, et en recommanda vivement l’adoption à Saint-Pétersbourg ; mais les actives démarches des religieux grecs, soutenues par de puissans moyens employés habilement à Pétersbourg et à Constantinople, obtinrent un délai de dix années. En 1843, à l’expiration de ces dix années, il ne fut rien fait, et les abbés grecs, plutôt que de consentir à subir le principe de la participation aux charges publiques, préférèrent abandonner une notable partie de leurs revenus, qui allèrent arrondir les fortunes des chefs et des favoris du gouvernement. Il y eut des exemples scandaleux qui se sont perpétués jusqu’à nos jours. Les terres des monastères étaient prises à ferme par les personnages les plus haut placés. Un fonctionnaire d’un rang élevé, très protégé par la Russie, avait dû à cette protection la ferme des biens du couvent de Slatar, situé à Bucharest, mais appartenant au patriarche grec schismatique d’Alexandrie, ainsi que les biens d’un autre couvent formant tout le revenu de ce patriarche. Ces terres étaient affermées par ce personnage, objet de la protection spéciale de la légation de Russie à Constantinople, moyennant 12,000 francs par an pour six ans, et les revenus réels étaient de 48,000 francs par an. Un parent de l’ex-hospodar Stirbey, qui occupait même un poste éminent dans l’administration du dernier gouvernement, a agrandi, dit-on, de près du double une terre qu’il possède près de Fokchani aux dépens du couvent de Saint-Jean, relevant du Mont-Athos, dont il est le voisin, et aux dépens des mochnénis et des rezèches (paysans propriétaires) dont les terres confinaient avec ses biens en Valachie et en Moldavie. Ces malheureux furent dépouillés malgré leurs plaintes et condamnés devant les tribunaux de Bucharest et d’Yassy, où l’usurpateur était fortement appuyé ; les moines du couvent de Saint-Jean racontaient ces faits à tous les voyageurs.

En 1847 enfin, la Russie décida que les couvons grecs donneraient dans les deux principautés réunies une somme de 27,000 ducats par an, 324,000 francs. Le prince Stourdza se mit immédiatement en possession de la moitié qui lui revenait, et son successeur suivit son exemple. Le prince Bibesco trouva la contribution trop minime et ne voulut rien prendre. En 184S, le gouvernement provisoire valaque déclara les biens conventuels grecs biens nationaux ; mais cette décision n’eut aucune suite, et les deux hospodars nommés par l’acte de Balta-Liman demandèrent aux deux cours et à leurs commissaires le droit de prélever le quart des revenus pour l’appliquer au paiement de la dette des principautés d’abord, et ensuite au profit des principautés elles-mêmes. Aujourd’hui cette question est encore pendante malgré les récentes discussions qui ont eu lieu à Constantinople entre des membres du divan et des délégués du prince de Moldavie. Peut-être est-il heureux qu’une solution définitive ne se