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religieux, mais à la communauté. Les communautés n’étaient point considérées comme propriétaires, mais purement et simplement comme les dépositaires des fonds, qu’elles devaient répartir au profit des populations, avec obligation de rendre compte chaque année de l’usage fait de ces revenus au gouvernement de l’hospodar. Lorsque les phanariotes s’introduisirent dans les deux principautés et y parvinrent à l’autorité, ils voulurent assurer la suprématie de leur race sur les indigènes et se ménager des ressources dont ils pourraient disposer pour augmenter leur influence : ils aliénèrent en conséquence les monastères au profit des communautés religieuses du Mont-Athos, de la Roumélie, de Jérusalem et du Mont-Sinaï ; mais un mécontentement général éclata, et dès 1633 Matthieu Bassaraba, se fondant sur l’illégalité d’actes qui n’étaient pas revêtus de l’assentiment de l’assemblée du pays, fit rentrer les monastères sous l’ancienne loi. En 1654, le décret de Matthieu fut renouvelé par Constantin Bassaraba et confirmé en 1688 par Sherban II. Enfin, jusqu’en 1715, la question des monastères suivit les fluctuations de la lutte politique acharnée qui se vidait entre les boyards indigènes et les phanariotes. À cette époque, ceux-ci l’emportèrent définitivement, et pour plus d’un siècle, par l’avènement de Nicolas Mavrocordato. En Moldavie, les mêmes faits se reproduisirent.

En 1822 enfin, les princes indigènes régnèrent de nouveau sur les principautés. Grégoire Ghika, à qui la Valachie doit les premiers élémens de sa régénération, et qui, depuis le commencement de ce siècle, est peut-être avec son frère, l’ex-hospodar Alexandre Ghika, le seul prince dont la mémoire soit restée chère au peuple, s’empara des revenus des monastères grecs, mais sans en rien détourner, et les employa au paiement de la dette, qui s’élevait à 5 millions de piastres, ou 8 millions de la monnaie d’aujourd’hui, soit 3,500,000 fr. En 1830, la Russie rendit de nouveau les revenus aux moines grecs, mais en 1834 le règlement organique décida que les biens des monastères, tant indigènes que grecs, seraient ramenés à leur destination première, c’est-à-dire qu’une partie des revenus de ces biens serait donnée à l’état, qui devrait l’employer en institutions publiques. À cette époque, le général Kisselef institua une commission dont le rapport conclut à faire affermer par l’état les biens des couvens aliénés ou couvens grecs, sauf à l’état à faire parvenir aux lieux-saints, au Mont-Athos, etc., les revenus annuels tels qu’ils existaient avant le règlement organique, mais après en avoir prélevé les contributions payées à cette époque aux principautés, ainsi que les frais d’entretien et les sommes nécessaires aux actes de bienfaisance, aux institutions d’utilité publique. La différence créée par les améliorations résultant du règlement organique entre les revenus des deux époques devait également rester à l’état. Le comte Kisselef