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conservateur, ou que le cabinet ne restera point composé comme il l’est aujourd’hui. M. Rios-Rosas, l’homme politique le plus important du gouvernement actuel avec le général O’Donnell, ne se laissera point sans doute absorber dans un de ces amalgames, qui n’aboutissent qu’à l’affaiblissement de toutes les situations et de tous les pouvoirs Que le cabinet de Madrid n’obéisse point à un esprit exclusif dans la distribution des emplois publics, qu’il accepte, qu’il sollicite même le concours des hommes de tous les partis, rien n’est plus simple ; mais la première condition est d’avouer hautement une politique, afin que le concours des hommes prenne une signification, et que le pays lui-même sache dans quelle route il va marcher, vers quel but on le conduit. Il ne s’agit point ici d’une réaction violente qui emporte les garanties et les Institutions libérales ; il s’agit justement de fonder ce régime libéral sur des bases solides et équitables. Tout ce qui s’écartera de cette politique sera sans force comme sans durée, et n’aura d’autre valeur que celle de toutes les combinaisons où dominent les calculs personnels : œuvre d’une circonstance fortuite qu’une circonstance nouvelle fait disparaître.

La France a pu connaître ces péripéties des luttes publiques ; elle a vécu dans cette atmosphère ardente où les partis et les opinions sont toujours en éveil. Elle vit aujourd’hui dans le calme, spectatrice des agitations des autres peuples. Dans le premier instant, lorsque les événemens de Madrid éclataient, il y a un mois, le gouvernement rassemblait quelques troupes sur nos frontières voisines de l’Espagne. La pacification de la Péninsule a rendu cette mesure inutile, et les mouvemens de troupes ont été suspendus. Ce n’était là d’ailleurs qu’un acte de prévoyance qui ne pouvait impliquer la pensée d’une intervention. La vraie, la grande émotion de la France dans ces derniers temps a été la guerre qu’elle a soutenue virilement : aujourd’hui cette émotion n’existe plus ; les derniers soldats de cette expédition d’Orient regagnent notre pays. Le général en chef lui-même, le maréchal Pélissier, vient de rentrer en France, et en débarquant à Marseille il a trouvé un brevet impérial lui décernant le titre de duc. Quelle désignation particulière devait avoir ce duché ? On ne le savait point encore, lorsque le Moniteur est venu annoncer qu’en souvenir d’une éclatante action de guerre le maréchal Pélissier était duc de Malakof, et qu’une loi serait présentée au corps législatif pour affecter à ce titre une dotation de 100 000 francs de rente. Ainsi se trouvent récompensés les glorieux services de celui qui a réussi à faire tomber cette citadelle de la Mer-Noire réputée presque inexpugnable. Une autre nomination d’un genre différent vient de donner un successeur à M. Fortoul. On s’était demandé un instant si M. Fortoul serait remplacé, ou si le ministère de l’instruction publique ne cesserait point d’exister. Le doute cesse aujourd’hui par suite de la nomination de M. Rouland, qui occupait les fonctions de procureur-général près la cour impériale. M. Rouland est un homme qui s’est distingué dans la magistrature, et qui apporte au ministère de l’instruction publique les habitudes d’un esprit sérieux et réflé-