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gnol, et, autour du ministère, parmi tous les hommes qui se préoccupent de la direction des affaires publiques. Les uns, ne consultant que la logique naturelle des situations, n’hésitent point à défendre une politique sérieusement conservatrice, propre à ramener la paix morale en Espagne, comme l’armée a déjà rétabli la paix matérielle. Ils ne veulent point substituer à l’anarchie un despotisme déguisé ; ils voudraient faire tourner les circonstances actuelles au profit de l’ordre troublé, de la monarchie ébranlée, de la société menacée, sans enlever au pays les garanties d’un régime libéral. D’autres se préoccupent de la réaction dont ils ont donné le signal, ou à laquelle ils ont adhéré ; ils craignent déjà de se voir dépassés et absorbés. Ils s’inquiètent de cette terrible logique qui en Espagne pousse toujours un mouvement à ses dernières conséquences, et alors ils se tournent vers les progressistes, recherchant leur appui, s’efforçant de les rallier sous un drapeau qui ne soit aucun des drapeaux connus jusqu’ici. Au milieu de ces fluctuations, le ministère ne semble guère se décider, et, s’il ne se hâte point, il ne sera qu’un ministère de transition, au lieu d’être ce qu’il pouvait, ce qu’il devait être, un ministère sérieusement réparateur, constitutionnel et modéré.

La politique du nouveau gouvernement de l’Espagne n’est-elle point naturellement tracée par la force des choses ? Elle ne nait point de combinaisons arbitraires, de théories artificielles, qui risqueraient fort d’être sans valeur au-delà des Pyrénées ; elle est tout entière dans la nature Intime de ce mouvement qui vient d’agiter la Péninsule, et qui a favorisé l’avènement du général O’Donnell. Comment l’Espagne a-t-elle été conduite à cette dernière crise, qui a eu un victorieux dénouaient, mais qui pouvait avoir une issue terrible ? Elle a été conduite à cette extrémité par un système permanent d’agitation révolutionnaire, par l’indécision d’un pouvoir sans unité, par l’impuissance d’une assemblée plus occupée à se perpétuer qu’à organiser sérieusement le pays, par une série de désordres qui, en s’aggravant, ont réveillé le sentiment du péril et ont fait renaître parlent le besoin de la protection. À quoi le général O’Donnell a-t-il dû sa force, son ascendant au moment décisif ? C’est que depuis deux années il n’a cessé d’être considéré comme le défenseur résolu de la monarchie, comme le représentant d’un principe de conservation ; c’est que son activité énergique était un gage en faveur de l’ordre public. La crise qui a éclaté, il y a un mois, à Madrid, n’a point de sens, ou elle doit avoir pour résultat d’assurer au pays ces garanties que deux années de perturbations ont affaiblies. De ces circonstances découle naturellement la politique à suivre. Cette politique peut se résumer dans un petit nombre de mesures essentielles qui touchent au régime politique, à l’organisation administrative, à l’existence de la milice nationale, cette armée permanente de toutes les insurrections. Le ministère est-il d’accord sur ces mesures ? On dit qu’il hésite encore à se prononcer. Il paraît certain néanmoins que ces diverses questions devront être résolues dans un sens