Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/902

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

refroidissement pour les sommets isolés, mais celle-ci est certainement une des plus efficaces. Il est des montagnes, telles que celles de l’Inde, au sommet desquelles le poids de l’air est réduit à la moitié de ce qu’il est ordinairement dans les plaines peu élevées ou sur le rivage des océans. Quand on voyage dans ces sites aériens, on voit souvent apparaître capricieusement de petits nuages dont la dimension n’est que de quelques mètres, et qui disparaissent aussi subitement qu’ils se sont formes. On voit qu’il suffit qu’une petite masse d’air humide ait été soulevée de quelques dizaines de mètres pour montrer sa vapeur en brouillard, et qu’au bout de quelque temps le réchauffement de ces petites masses au sein d’une atmosphère plus chaude doit y faire rentrer la vapeur, à peu près comme nous voyons les petits lambeaux de nuages que lancent nos locomotives flotter dans l’air et y disséminer leur vapeur blanche, qui reprend, en se mêlant à l’air, et de la chaleur et de la transparence.

Ce phénomène s’est montré à moi dans toute sa magnificence au milieu d’une des gorges élevées des Pyrénées entre la France et l’Espagne. Un vent violent poussait l’air des plaines françaises le long des flancs abrupts de la chaîne du Canigou. Par une circonstance particulière, cet air peu chargé d’humidité ne devenait brouillard et nuage qu’à la hauteur où j’étais placé; ensuite, en se précipitant vers l’Espagne, il se condensait, il regagnait la chaleur que la dilatation lui avait fait perdre, et à quelques mètres au-dessous de moi, il reprenait sa transparence et cessait d’être nuage. La persistance du petit nuage qui couronnait la hauteur, malgré un vent violent qui aurait semblé devoir l’entraîner rapidement, était un phénomène des plus curieux, que j’observais de tous mes yeux, mais dont je ne cherchais point alors la cause. La même observation a été faite par plusieurs des explorateurs de montagnes, et notamment par l’illustre M. Cordier.

On a dit très justement que les météores sont les expériences de physique de la nature. En voici une exécutée sur une échelle immense au centre de la France, dans l’atmosphère de cette vaste et riche plaine de la Limagne d’Auvergne, que dominent de loin la chaîne du Puy-de-Dôme et celle du Mont-d’Or. Un soleil brillant dardait ses rayons sur la contrée fertile qui environne Clermont et Riom. Pas un nuage dans toute cette vaste étendue, pas même cette teinte légèrement pâle qui, chez nous, ternit un peu l’azur du ciel et nous rend improbables les ciels d’outremer des peintres italiens. Partout le calme de l’air et la transparence la plus parfaite. Tout à coup un mouvement s’opéra dans cette masse précédemment immobile. Le vent d’après-midi la poussa vers le Puy-de-Dôme, et les arbres, inclinant légèrement leurs têtes vers la montagne, indiquèrent que c’était vers ce côté que le courant d’air prenait sa route. Forcément cette masse d’air devait se soulever en suivant les flancs herbeux de la montagne. En montant, elle devait être déchargée du poids de toutes ces couches d’air au-dessus desquelles elle se plaçait successivement. De là une dilatation, un refroidissement et toutes ses