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Cet effet se produisait en grand dans une machine des mines de Schemnitz en Hongrie. Là un vaste réservoir d’air humide portait le poids d’une colonne d’eau de 150 mètres. Quand on lui ouvrait une issue au moyen d’un robinet, on voyait cet air conserver pendant quelque temps sa transparence jusqu’à ce qu’il se fût dilaté convenablement dans l’espace où il se répandait librement. A une certaine distance de l’orifice, l’air refroidi par l’expansion subite changeait la vapeur transparente en nuage visible à l’œil. Plus loin, le nuage encore plus refroidi donnait des gouttes d’eau, c’est-à-dire de véritable pluie. Enfin, à une distance plus grande encore, l’humidité de l’air se transformait en neige et en glace que l’on recueillait sur un bonnet de mineur.

Les expériences de physique où l’air dilaté se refroidit sont innombrables. Ainsi les premiers coups de piston d’une machine pneumatique produisent un brouillard dans le récipient de cristal. Ainsi, quand on partage l’air d’un ballon de verre entre deux ballons pareils, un thermomètre fait d’une triple lame métallique extrêmement mince indique un froid supérieur à ceux qui règnent en Sibérie. Quand le baromètre baisse de 2 centimètres, l’air se refroidit de 3 degrés centigrades.

Maintenant par quel procédé la nature dilate-t-elle l’air pour le refroidir ainsi et lui faire donner de l’eau par la condensation de la vapeur? C’est tout simplement en le transportant dans des régions élevées où la pression est moindre, où par suite l’air se dilate, se refroidit et précipite la vapeur qu’il avait avec lui.

D’après ce qui vient d’être dit, soulevez une masse d’air à une hauteur de 200 mètres, elle portera un poids d’air moindre. Cette diminution de poids sera de 2 centimètres du baromètre. Cette masse se refroidirait donc de 3 degrés. Si l’élévation est beaucoup plus grande, par exemple de plusieurs milliers de mètres, comme le long des flancs d’une montagne, le refroidissement est énorme, et, si l’air est humide, il se produit une abondante averse d’eau ou de neige.

M. Le commandant Rozet, officier d’état-major, a bien voulu, à ma demande, vérifier directement cette assertion pendant ses beaux travaux géodésiques le long de la chaîne des Pyrénées. Ayant placé plusieurs observateurs munis de thermomètres le long des flancs d’une montagne, pendant qu’un vent constant et bien réglé poussait un courant d’air ascendant le long des pentes de cette montagne, il a reconnu que l’air, à mesure qu’il s’élevait, devenait de plus en plus froid, et cela de la même quantité que la théorie assignait à l’avance. Ceci nous explique la cause du grand froid qui règne au sommet des pics très élevés. Il est évident que tout l’air que les vents poussent dans ces hautes régions n’y arrive que très dilaté à cause de la très petite pression de l’atmosphère à ces hauteurs, et que cette dilatation cause un vif refroidissement de l’air qui se communique à la montagne que baigne cet air refroidi. Au reste, il y a aussi d’autres causes de