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universités allemandes, où il apprit le français, l’allemand, l’espagnol et l’italien; puis il suivit les cours de l’école de médecine à Paris. Plus tard, il se fit Journaliste à la Nouvelle-Orléans, où son visage pâle et délicat, ses brillans yeux gris, l’expression pensive de sa physionomie, le firent remarquer. »

Lassé de tous les métiers qu’il avait faits successivement, Walker émigra en Californie; il rédigea quelque temps le Herald à San-Francisco, mais bientôt il brisa sa plume de journaliste et se fit homme de loi à Marysville, où il gagna beaucoup d’argent, dit son panégyriste. Jusque-là, ni les journaux qu’il avait rédigés à la Nouvelle-Orléans et à San-Francisco, ni les malades qu’il avait tués ou guéris, ni les procès qu’il avait plaides, ne lui avaient fait grande réputation. On était loin de deviner dans ce praticien obscur le rival de Washington, le conquérant et le libérateur du Nicaragua. L’occasion s’offrit enfin de faire admirer au monde ce grand génie et ce grand caractère.

Les habitans de la province de Sonora (Basse-Californie) prirent les armes contre Santa-Anna, proclamèrent leur indépendance, fondèrent un gouvernement libéral et appelèrent les Californiens à leur secours. Walker accourut des premiers avec quelques centaines d’Américains; mais, soit qu’un revirement subit d’opinion eût ramené les Sonoriens à Santa-Anna, soit qu’ils eussent plus de frayeur du dangereux allié qu’ils avaient appelé que de leur ennemi, Walker fut battu et retourna à San-Francisco. « Il fut honteusement trahi par les Mexicains, dit un de ses amis. Il est certain qu’il éprouva un échec, mais il déploya dans cette expédition une énergie indomptable, une persévérance de volonté, une patience à toute épreuve, qui prouvèrent qu’il possédait toutes les qualités d’un chef d’armée. » Ce début malheureux, qui aurait dû décourager Walker, fit au contraire sa réputation parmi les aventuriers qui d’Europe ou d’Amérique affluent à New-York, à San-Francisco et à la Nouvelle-Orléans. Il y parut bientôt.

Parmi tous les états dont la faiblesse et les trésors peuvent tenter la cupidité, le Nicaragua occupe le premier rang. L’avantage naturel de sa position entre les deux mers, la fertilité du sol, l’ignorance et la paresse de la population, d’ailleurs clairsemée (à peine 300,000 habitans sur un territoire de 5,000 lieues carrées), les guerres civiles pendant lesquelles il est si aisé de pocher en eau trouble et de rejeter sur l’esprit de parti les excès qu’on aurait horreur de commettre en temps de paix, tout devait amener peu à peu les Américains dans le Nicaragua. Le prétexte seul manquait à l’invasion. Un Nicaraguan fut assez aveugle ou assez ennemi de son pays pour le fournir.

Au commencement de 1854, deux candidats, don Francisco Castillon et le général D. Fruto Chamorro, se disputaient la présidence de cette petite république. Castillon était le chef du parti libéral, Chamorro celui du parti aristocratique, que Walker et ses amis, pour justifier leur invasion, ont