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nances financières et commerciales, il y avait des motifs politiques à ce que la trésorerie fût entièrement séparée de la Banque. Les grandes opérations militaires nécessitent des mouvemens de fonds qu’il faut combiner d’avance. Il serait donc obligé, quand il aurait de grands préparatifs qu’il voudrait tenir secrets, de les confier à la Banque. Et, disait-il, « j’ai déjà trop de confidens. »

Déjà, avant l’établissement de la caisse de service, l’amélioration était visible dans la situation du trésor. Plus de ces atermoiemens fâcheux dont on avait eu si souvent le spectacle. Le trésor faisait de toutes parts honneur à ses engagemens : les ordonnances délivrées par les ministres, à dix jours de vue pour Paris et à trente ou quarante pour les départemens, étaient acceptées et acquittées dans le délai voulu. La solde des employés civils et militaires était au courant. La plupart des receveurs-généraux s’accoutumaient à faire des versemens anticipés par rapport aux termes que leur accordaient leurs conventions avec l’administration. Le 5 pour 100, qui trois mois après Austerlitz, en mars 1806, était à 56, était monté en juin à 64. Quoique les contributions levées en Autriche ne fussent pas dévolues au trésor, il en fut distrait, à titre de prêt, quelque chose qui l’aida, mais dont il eut à servir l’intérêt.

L’armée revenait à petites journées des plaines de la Moravie et des environs de Vienne, conformément aux stipulations du traité de Presbourg, et pendant ce temps l’empereur se consacrait, avec l’activité qui lui était propre, au soin de ses états, lorsque des bruits de guerre se propagèrent et acquirent aussitôt la plus grande consistance. Le roi de Prusse, prince modéré et circonspect cependant, qui appréciait tout ce que vaut la paix, se laissait brusquement pousser par son entourage à un langage et à des démarches dont l’effet inévitable était la guerre avec la France. On avait renoué les fils d’une intrigue antérieure à la bataille d’Austerlitz, dans laquelle on avait ménagé à Potsdam, auprès de la tombe du grand Frédéric, un coup de théâtre où le roi de Prusse avait cédé aux embrassemens de l’empereur de Russie et échangé ses sermens avec lui. Lorsque Napoléon sut qu’on tramait la guerre à Berlin, M. Mollien lui en rend le témoignage, il en fut « aussi surpris que contrarié. » L’éclatante victoire d’Austerlitz, au lieu de décider à la résignation ou du moins à la patience les ennemis de la révolution française et de l’empereur, c’est-à-dire les aristocraties de l’Europe, les avait exaspérées, et bientôt, dans leur folle présomption, elles s’enflammèrent d’une espérance bien peu raisonnable, à savoir que la Prusse allait arrêter sur-le-champ le cours des succès qu’obtenaient ensemble Napoléon et la révolution. C’est M. Mollien qui le rapporte, les nombreux étrangers des divers pays du continent qui se trouvaient